H. Searles décrit son expérience et ses sentiments à l’égard des patients qu’il a reçus et visités à Chestnut Lodge.
Harold Searles concerne les phases successives du développement du moi dans la thérapie : La symbiose pathologique ; l’Autisme ; la symbiose thérapeutique et l’individuation. La symbiose thérapeutique est elle-même répartie en symbiose pré-ambivalente et symbiose ambivalente. Ce qui différencie ces deux dernières symbioses (pré-ambivalente et ambivalente) est que la première contient uniquement le sentiment d’amour fusionnel alors qu’à la seconde se rajoute le sentiment de haine. Par conséquent la symbiose ambivalente se présente sous l’aspect d’une ambivalence entre les sentiments de haine et d’amour dans la relation thérapeutique patient-analyste. L’auteur souligne que les quatre phases citées ci-dessus servent de repères thérapeutiques de développement du moi du patient même si un sujet, tout comme l’analyste, peut y régresser ou progresser au gré de la relation thérapeutique. Au sujet de l’angoisse de séparation, H. Searles écrit qu’il s’agit moins de la séparation physique que de la menace d’individuation. La pré-ambivalence symbiotique et l’ambivalence symbiotique peuvent donc être comprises comme un dilemme entre désir de régression ou capacité de progression vers l’individuation. La menace d’individuation si elle est vécue comme telle serait donc la menace de défusion à la figure maternelle.
(18) Le thérapeute symbiotique est le sujet « dont l’individuation personnelle n’est pas fermement réalisée et pour qui les relations humaines les plus significatives consistent à compléter les zones incomplètes du moi chez les autres ». Le sujet est alors partagé entre d’une part un désir de compléter la mère pour qu’elle atteigne sa pleine maturité et qu’il puisse s’identifier et d’autre part compléter la mère pour « assurer sa survie ». Par conséquent, dans la relation thérapeutique, pour que le patient devienne une personne totale il est primordial qu’il perçoive son rôle important au niveau du fonctionnement du moi de l’analyste.
H. Searles considère la symbiose ambivalente comme présente tant chez l’analyste que chez le sujet analysé. Un processus inconscient d’introjection et de projection se met en place protégeant chacun de l’envahissement de l’autre, sans oublier que le sujet analysé vient combler des espaces manquant de l’analyste et inversement : la symbiose appelle la symbiose. La conscience des sentiments contenus dans l’ambivalence permet à l’analyste de se défaire du processus symbiotique. H. Searles soulève la question de l’introjection du sentiment de l’analysant, se défendant lui-même de son conflit interne, par l’analyste et déclenchant par conséquent des formes réactionnelles chez celui-ci.
La phase d’autisme est une fondation sur laquelle peut s’édifier l’ensemble du processus thérapeutique. Le retrait narcissique du patient est la rencontre avec le « plaisir du soi primitif » qui influera sur « la créativité du Moi et la relation d’objet ». Qu’il soit appelé « environnement moyen prévisible » par Hartman, « good enough holding environnement » par Winnicott, ou « le rôle écran de la mère », je pense qu’on retrouve ici l’idée du contenant de début de la relation thérapeutique.
H. Searles écrit au sujet de l’autisme que le thérapeute adopte une forme de synchronicité avec le patient. Le patient devient barrière protectrice maternelle pour l’analyste lorsque celui-ci est en capacité de s’immerger totalement dans l’univers autistique du patient, et devient à son tour barrière protectrice maternelle pour le patient. Pour aider le patient à aller vers la symbiose ambivalente, l’analyste devient animé et, s’identifiant à l’analyste, le patient s’entraîne vers son propre vivant, la symbiose ambivalente. Les phases de la cure s’étirent jusqu’à une symbiose thérapeutique pré-ambivalente. L’analyste immergé dans l’autisme du patient, ressent l’autisme du patient qui le renvoie à son propre autisme. Le rôle de la mère bienveillante et thérapeutique prend place chez l’analyste et le patient par identification va procéder de même et vient toucher les parties autistiques de l’analyste. Ainsi le patient vient révéler des parties non intégrées du moi de l’analyste et il joue pour ce dernier le rôle de mère thérapeute. Le moi de l’analyste peut alors aider le moi carencé du patient à se reconstruire.
Il s’agit d’aider le patient à différencier le monde extérieur du monde intrapsychique. C’est à l’issue de cette différenciation que le patient peut alors se tourner vers son monde intrapsychique. Le thérapeute doit avoir conscience qu’il représente pour le patient le monde extérieur. Il est ressenti comme une définition du monde extérieur sur lequel le patient prend appui.
Pendant les premières années de sa vie, H. Searles écrit que l’enfant possède une tendance psychothérapeutique. Tous les êtres humains portent cette tendance. Celles du patient ont subi des vicissitudes qui sont devenues intenses, insatisfaites, non reconnues et qui ont conduit à la haine, l’envie et la compétition. Tout cela est refoulé. Dans la relation patient et analyste, le premier soutient le second dans l’idée de recevoir des soins de lui. Tout cela est inconscient. Plus le patient est malade et plus il est important qu’il devienne le thérapeute de l’analyste. Le nourrisson comme l’enfant veut aider ses parents au même titre que le patient aide son analyste. Entre analyste et patient, il y a d’une part une relation de réalité et d’autre part une relation transférentielle. La relation de réalité rend possible la relation transférentielle.
H. Searles souligne qu’à l’époque charnière de la constitution du soi individuel, entre la première enfance et l’enfance, ce qui correspond à l’individuation, l’enfant joue symbiotiquement le rôle de thérapeute pour l’un ou l’autre membre de la famille, ou thérapeute familial dans une symbiose familiale. Dans le cas contraire le patient en analyse vient rejouer ce rôle avec son thérapeute :
• 1ère Symbiose de transfert pathologique
• 2ème La symbiose pathologique se transforme en symbiose thérapeutique
• 3ème Accès à l’individuation
Le patient se sent coupable de ne pas avoir réussi son effort thérapeutique auprès de la mère dans sa première enfance. La culpabilité tend à disparaitre par le transfert maternel sur le thérapeute. L’idée pour l’enfant durant la première année est de rendre la mère au moi fragmenté en mère totale pour accéder à son individuation. L’idée est de réparer la mère victime d’abandon total ou de démembrement meurtrier. » Dans le cas contraire l’individuation porte les traces précédemment décrites. (102) H. Searles nous parle des éléments constitutifs de la personnalité de l’analyste qui servent de noyau au patient pour construire sa réalité extérieure et sur laquelle s’élaborent les transferts de celui-ci.
Le concept, s’il s’agit d’un concept, du thérapeute symbiotique est de sacrifier son moi de façon altruiste pour compléter le moi incomplet de la personne maternante. Le même processus se répète par la suite avec toute mère ayant une signification incomplète. L’enfant devient la partie manquante de la mère incomplète. On peut parler de symbiose thérapeutique pathologique.
C’est en s’immergeant dans le monde du patient que celui-ci devient le monde extérieur de l’analyste. Le patient peut alors s’identifier à l’analyste et il s’immerge dans ce monde qui peu à peu procède à une interchangeabilité et qui conduit le patient, après identification, à s’immerger dans le monde plus ordinaire de l’analyste. C’est ainsi que se fait le processus de la symbiose thérapeutique. H. Searles ne manque pas de nous confier sa remarque sur le transfert symbiotique et combien dans ce cas le moi du parent est immature pour que l’enfant devienne le thérapeute du parent. Il est intéressant de remarquer que H. Searles n’écarte pas les composantes œdipiennes dans l’effort de l’enfant à être le thérapeute de son parent.« Plus les propres sentiments de dépendance symbiotique du thérapeute lui sont accessibles, mieux il peut aider le patient à prendre conscience de l’existence de tels sentiments chez lui, et le patient n’a plus besoin alors de mettre en place ses aspirations symbiotiques en retardant schizophréniquement son individuation. »
Le patient, écrit H. Searles, s’efforce de participer à la relation interpersonnelle de la séance. Il tente de partager des zones du moi non-névrotique. Il aide l’analyste à réaliser son idéal du moi et à développer ses potentialités affectives.Il apparaît que pour les patients schizoïdes ou schizophrènes, il s’agit pour le patient de se procurer un modèle d’identification constructif dans la personne de l’analyste.
Le processus symbiotique compte également celui qui consisterait à ce que le patient introjecte des parties malades du moi de l’analyste afin qu’un analyste plus sain naisse de lui. Je fais un corollaire avec la « mère morte de Winnicott » avec l’idée d’introjecter les parties malades de la mère , les rendre plus saines afin qu’une mère plus saine naisse d’elle-même après l’avoir rendu saine… pour pouvoir s’identifier en toute quiétude.
La question est posée : faut-il dire au patient qu’il apporte une aide thérapeutique ? H. Searles rappelle que le processus thérapeutique se fait dans les deux sens et fait partie de celui-ci. Ce qui fait question dans ce travail à deux participants qu’est l’analyse est la différence entre le patient et son analyste. Ce dernier étant par définition conscient à la fois du transfert du patient et de son propre contre-transfert en réponse au premier. Néanmoins, le processus thérapeutique se fait dans une étroite collaboration entre le patient et son analyste.
Elle pourrait s’appeler l’action thérapeutique illusoire et magique telle qu’elle est envisagée par H. Searles comme une régression du thérapeute qui, coincé dans son impasse thérapeutique, ne verrait l’acte sexuel symbolique que comme seule opération curative dans le processus qui deviendrait de fait antithérapeutique. Il s’agit d’un face à face qui oppose l’ambivalence du patient et provoque la réaction ambivalente du thérapeute.
Le sujet est difficile car difficilement acceptable. La gratitude du patient envers son analyste réveille chez ce dernier l’estime de lui-même par l’apparence d’un travail bien fait. Qu’en est-il si ce n’est que le besoin du patient de venir reconnaître son analyste au détriment de lui-même ? L’échange d’une gratitude, s’il vient à exister, devient une symbiose langagière qui vise à renarcissiser le patient et son analyste.
Dans le livre de Burham, Gladstone et Gibson la relation à l’objet est ressenti tant par le besoin que par la crainte. Le besoin domine et vient compenser les carences du moi. L’objet devient comme un moi auxiliaire et apparaît comme un besoin compensateur de la carence du moi mais aussi comme possible désorganisateur du moi. Dans ce cas le patient emprunte au thérapeute sa prétendue force qui n’est qu’une représentation du patient. Puisque l’objet thérapeute fait office de moi auxiliaire, on peut estimer facilement la crainte de l’effondrement si celui-ci vient à disparaître. H. Searles nous rappelle que Gibson écrit que « le besoin/crainte fait partie de l’expérience de tout être humain qui est capable d’avoir une relation avec un objet. » et il en va de même pour le psychanalyste mais qui se doit d’être conscient de ce mécanisme qui est développé à l’égard du patient : « Plus le thérapeute devient et reste conscient de ces processus, moins il risque de se reproduire une mise en acte d’une folie à deux (symbiose pathologique).
H. Searles rappelle les écrits de Groddeck en cela que le patient utilise le thérapeute dans son transfert et oblige le thérapeute à prendre conscience, d’une part de la place que le patient lui donne, et d’autre part de ses résistances à accepter cette place, s’il y a lieu d’être qu’elle soit représentative d’une figure parentale ou autre. C’est en ce sens que le patient devient thérapeute du thérapeute ; Il ne s’agit pas de refuser la place donnée par le patient mais bien de l’accepter au profit du patient dans le processus thérapeutique. La difficulté réside dans l’équilibre entre distanciation et intégration du psychique du patient : le thérapeute ne risque-t-il pas d’y laisser quelques plumes ? La scène thérapeutique nécessite dans sa dynamique ces investissements à la fois conscient et inconscient des deux. D’ailleurs, H. Searles écrit : « plus le thérapeute devient conscient de ces processus, moins il risque de se produire une mise en acte d’une folie à deux ».
Les écrits du livre riche de Graham, Gladstone et Gibson, et concernant le sujet de type schizophrénique qui est considéré par sa relation à l’objet dans le registre besoin/crainte comme « un pauvre pathétique infirme »qui écarte l’apport du patient et son questionnement. Il y oppose Marion Miner qui elle reconnaît ses patients comme une source d’apport considérable quant au développement de la psychanalyse.
H. Searles écrit plus loin que considérant l’alliance thérapeutique il s’agit là d’un apport pour les deux participants, notons la formidable relation réciproque transférentielle dans laquelle un patient abandonné par une mère déprimée va tenter de protéger le thérapeute de son départ. Je pense qu’il pourrait être entendu que dans mon rituel du « à la semaine prochaine » il réside l’idée du départ prévenant de la prochaine rencontre.
Si les écrits de H. Searles concernent essentiellement les sujets schizophrènes, il est à remarquer qu’il fait le parallèle avec les sujets névrotiques tout en soulignant le degré moindre de ses constatations et descriptions. C’est ce que je suis en mesure de faire avec ma pratique professionnelle puisque tous mes patients reçus en cabinet ont une prédominance névrotique même si pour certains les tendances paranoïdes et borderline existent.
Dans quelle mesure le thérapeute doit-il vivre la réalité interne du sujet pour établir une symbiose thérapeutique ? Est-ce que cela engage à ce que le ou les symptômes du patient puissent également faire échos à ceux du thérapeute ? C’est en ce sens qu’on entend souvent dire « il n’y a pas de patient qui vient vous voir par hasard ». Ainsi H. Searles écrit : « le patient et le thérapeute fonctionnant tous deux comme des objets transitionnels l’un pour l’autre. ». Je relève avec intérêt la vignette énoncée par H. Searles et concernant le conjoint d’Edna. L’idée émise serait la suivante : Le tiers du patient énoncé par lui-même dans la thérapie devient une défense du patient pour ne pas entrer dans la symbiose thérapeutique.
A mon sens et en référence aux écrits de H. Searles en direction des névrosés le processus thérapeutique qu’il s’agit de réfléchir se déroulerait ainsi :
• Reconnaissance du symptôme du sujet comme objet transitionnel à la fois du patient et aussi du thérapeute.
• Identification à la réalité du patient et de son symptôme
• Création d’un espace potentiel ou zone symbiotique
• Réévaluation de la réalité du sujet et du thérapeute, de par la reconnaissance de son propre symptôme chez le thérapeute.
• Individuation du sujet quant à sa propre réalité transformée selon les critères d’objectivité appartenant pleinement au sujet et n’engageant pas les mécanismes transférentiels tels que projection, déplacement, pulsions désintriquées.
• Gratitude du sujet vers le thérapeute et vers lui-même.
Le symptôme en tant qu’objet transitionnel du patient et du thérapeute devient un mécanisme de défense à la symbiose thérapeutique nous dit H. Searles. Dans ce cas je peux envisager que cet objet qu’est le symptôme est également séparateur ou préfigure l’acceptation de la séparation du thérapeute. Le symptôme est-il le lien ? (265-266) De l’objet transitionnel ou des phénomènes transitionnels, ils précèdent la symbiose thérapeutique. Sur l’analyse des transferts, H. Searles « pour qu’une analyse des transferts soit possible quel que soit le type du patient – névrosé, borderline ou psychotique – il faut que l’analyste ait accepté une relation avec l’image ou la perception transférentielle ayant cours à ce moment dans l’analyse qui fut au moins du niveau de l’objet transitionnel, voir d’un niveau symbiotique plus profond. »
L’auteur n’y va pas de mains mortes. Il écrit qu’il se pourrait que la culpabilité et les interdits œdipiens aient guidé l’individu dans le choix de sa profession de psychanalyste. Pourquoi pas ! La culpabilité de ne pas avoir pu guérir les parents ou des idées transgressives et œdipiennes.L’auteur écrit que la culpabilité de l’analyste est confinée et s’alimente d’elle-même dans le silence de l’analyste sous l’exigence de la situation qui engage le patient à se libérer de celle-ci. L’analyse engendre la culpabilité de l’analyste qui risquerait de provoquer des manifestations inconscientes transférentielles (269). La culpabilité engendre différentes réactions inconscientes telles que la formation réactionnelle de l’analyste dans laquelle viennent se mêler les émotions et les sentiments issus de la désintrication des pulsions. La culpabilité de l’analyste révèle l’envers du décor. La supervision est alors un des outils qui permet au professionnel d’accepter ce qu’il tente de masquer par une adaptation qui ne leurre que le conscient du patient. « Dans notre culpabilité nous devenons trop actifs, interactifs et nous entravons le processus de croissance analytique. » Alors que les mots de l’analyste viennent compenser un manque ils entravent également le déroulement du processus analytique.
La relation symbiotique avec le patient conduit l’analyste à un sentiment d’omnipotence avec lui-même et le monde, écrit H. Searles. Confronté aux sentiments ambivalents vers le patient, le sentiment de culpabilité surgit car dans ce cas l’analyste se tourne vers son surmoi professionnel, si je peux dire. H. Searles insiste bien sur l’omnipotence de l’analyste qui bouscule psychiquement, ressent la culpabilité : « la culpabilité qui repose sur l’omnipotence est alors, en réalité, un rapport à soi-même. C’est-à-dire aux aspects de soi-même qu’on a écartés plutôt qu’une véritable relation interpersonnelle. »Une autre source de la culpabilité professionnelle est celle que nous focalisons inconsciemment sur des demandes de nos patients que nos parents n’ont pas satisfaites.
Ne pas se sentir coupable de se sentir coupable : « Pour renoncer à la culpabilité névrotique, il faut trouver une autre contrainte ; la réalité. ». Searles écrit « la culpabilité névrotique témoigne d’une mauvaise relation avec la réalité immédiate. Sortir de la culpabilité c’est accepter de ressentir la culpabilité, les envies, les désirs, et d’autres sentiments ».
L’espoir réfère à une omnipotence infantile frustrée à l’âge adulte et couvert par un autre espoir conscient et contradictoire. Il y a contradiction entre espoir inconscient et espoir conscient d’être soulagé des symptômes. Si l’espoir de l’analyste est d’apporter le soulagement au patient, vient se cacher au fond de l’inconscient l’espoir d’omnipotence.
Au fil de la lecture me revient à l’esprit ce que j’attendais de ma psychanalyste : une réponse à ma demande tenue en silence par moi-même. La demande était celle-ci « Me direz-vous lorsque mon analyse sera terminée, alors je pourrais vous quitter ? » J’attendais la permission de partir. Je faisais un parallèle avec la décision de ma mère de me laisser partir de son giron étouffant. Tout en soulignant sa manière de m’aimer et de me protéger comme ses propres craintes qu’elle ne cessait de projeter sur moi. Dire « tu peux partir » réfère à « tu es assez grand pour faire seul ». Le processus était intéressant car il proposait mon transfert maternel sur la personne de mon analyste, celui de l’espoir que j’ai inconsciemment d’être reconnu dans mon omnipotence à pouvoir vivre seul. Le contraire, c’est-à-dire l’absence de dire de l’analyste me renvoyait à « Vous n’êtes pas encore prêt pour vivre indépendamment de moi. »
« Pour que l’espoir émerge il faut faire face aux sentiments de déception, de découragement et de désespoir. » Que dire d’une telle phrase ? Peut être que l’espoir ne se forge que de soi-même en acceptant de se séparer de l’espoir de l’autre de se retrouver dans son espoir non réaliste et omnipotent, c’est-à-dire inconscient. Ainsi le lien d’attachement à l’espoir de l’autre et le propre espoir du sujet de se retrouver détacher de celui-ci, provoque une ambivalence chez le sujet qui doit passer par la déception, le découragement et le désespoir. En d’autres termes, « éprouver la perte » de l’autre permet de retrouver soi-même et son espoir de vivre détaché de l’autre. La perte et le détachement ne signifient en rien la rupture du lien mais une autre manière de l’envisager plus autonome et indépendant de l’autre. En d’autres termes, la perte de son propre espoir archaïque d’omnipotence dans la relation à l’autre ou sur l’autre. Par conséquent, la relation dénouée de tout espoir archaïque révèle à la pensée de chacun une réelle écoute humanisée.
Comment ne pas entendre l’espoir du sujet qui vient rencontrer le thérapeute et remet entre ses mains l’espoir de sa guérison alors que celle-ci ne peut être déliée de sa propre conviction et en grande partie de son travail de détachement archaïque. H. Searles alerte sur cette relation thérapeutique où par contre transfert l’espoir de l’analyste est aussi en jeu et vient apparaître sans qu’il n’y prenne garde.
Il m’est arrivé d’accueillir des patients par cette interrogations « comment allez-vous ? » Au-delà du rituel d’accueil, il y a ce désir omnipotent de guérir le patient de ses maux et certainement mon propre désir de me gratifier de la réussite de la thérapie. C’est ici qu’entre le sujet de la co-création non contre-transférentielle du thérapeute par qui dans ce cas l’espoir d’apaisement est redonné au patient seul. Par conséquent dans cet espace potentiel réside l’attente de soi du sujet sans l’attente de l’analyste. Reste en question, ce dernier est-il véritablement détaché de ses attentes archaïques de sa propre histoire qu’il peut transférer sur le sujet s’il n’en prend pas garde.
Du point de vue de l’analyste entre en jeu l’étroite relation entre espoir inconscient et son idéal du moi qui repose sur la satisfaction omnipotente de soi à guérir les symptômes du patient. H. Searles écrit : « .. il semble dans chaque cas que l’individuation du patient ne puisse s’effectuer que lorsqu’il est bien clair que sa vie est , en un sens, entre ses propres mains : l’acte majeur envisagé n’est pas vécu par le patient comme une plume au chapeau de l’analyste, mais principalement comme un pas vers l’accomplissement du soi individuel du patient. » De l’importance de l’analyste à percevoir son désir inconscient et omnipotent à vouloir guérir le patient, il pourra se distancer. La culpabilité qui pourrait en découler pourrait également être issue non seulement de son espoir inconscient mais aussi du bénéfice secondaire du patient à rester dans sa pathologie ou son symptôme. Ce qui apparaît alors comme un conflit inconscient entre analyste et patient pourrait paralyser les deux.
H. Searles écrit que l’idéal du moi du thérapeute force à secourir le patient de ses symptômes. Il s’avère que cette posture qui fixe celle du thérapeute empêche ce dernier de percevoir le transfert du patient. Un analyste au surmoi trop enraciné ne peut pas laisser libre cours aux variations émotionnelles du sujet. Un surmoi éveillé est peut-être le signe d’un effet que le transfert du patient a sur le thérapeute. L’attitude du thérapeute est vécue par le patient selon les propres ressentis de ce dernier et non comme l’analyste le ressent. Le vu, perçu et entendu, peut être différent de l’un et de l’autre. H. Searles rappelle que le thérapeute peut se retrouver dans des positions d’évitement qui le protège psychiquement des interactions du patient.
Sur le travail de l’analysant voici ce qu’écrit H. Searles et qui élargit la posture de celui-ci tout en l’associant à un travail sur lui et avec lui-même. « Le travail de l’analysant ne consiste pas simplement et uniquement à devenir une machine à associer librement et à rapporter des rêves ; l’analyste doit à la fois demander au patient d’intérioriser et l’aider à intérioriser (principalement par son exemple personnel) l’activité d’observateur-participant en tant que fonction du moi qu’il faut tirer de l’analyse et qui devient maintenant une partie de lui-même. »
Alain Giraud