En 1390 av JC, Le roi de Thèbes, Laïos, a tout pour être heureux. Les caisses de son royaume sont pleines, son peuple l’apprécie, et il est en parfait amour avec son épouse Jocaste mais ils n’arrivent pas à avoir la moindre descendance depuis quelques années. Laïos décide d’aller voir l’oracle de Delphes qui lui conseille de ne pas insister, car s’il donne naissance à un héritier, celui-ci finirait par le tuer, épouser sa mère, et causer à la ville de Thèbes d’innombrables malheurs. Sous le choc, épouvanté à l’idée qu’une telle prophétie se réalise, Laïos décide de ne plus toucher sa femme. Un soir Jocaste enivre son mari, ils partagent leur intimité… Neuf mois plus tard naît un petit garçon. Laïos est fou d’inquiétude! Impossible de garder cet enfant qui causera la ruine de sa famille et de sa patrie.
La mort dans l’âme, mais sachant qu’il n’existe pas d’autres solutions, il part sur le mont Cithéron et abandonne le nouveau-né. Pour des raisons obscures, il transperce les pieds de l’enfant avec un clou et l’accroche à un arbre. C’est d’ailleurs de là que vient le nom d’Œdipe « celui qui a les pieds enflés ».Le berger Phorbas entend les cris de l’enfant et le sauve d’une mort certaine. Après l’avoir nourri et réchauffé, il fait part de cette découverte au roi Polybos de Corinthe dont il est le sujet. Ce dernier voit en l’enfant un cadeau des dieux. Lui qui, justement, n’arrive pas à avoir d’héritiers, il accueille le nouveau-né avec joie et l’élève comme s’il était son fils.
Œdipe grandit donc avec bonheur dans le palais de Polybos, en ignorant sa réelle identité. Mais des rumeurs colportant le fait qu’il est un enfant trouvé se font de plus en plus pressantes dans le royaume… Le jeune homme n’y prête tout d’abord pas attention mais, tout de même intrigué, il questionne ses parents sur la question. Le malaise qui s’installe alors lui fait comprendre qu’il y a anguille sous roche… Alors, à son tour, il décide d’aller voir l’oracle de Delphes pour l’interroger sur ses origines. L’oracle lui cache-t-il une partie de la vérité… Œdipe apprend ainsi qu’une malédiction pèse sur lui, et qu’il est destiné à tuer son père et à épouser sa mère. Le jeune garçon est sous le choc. Lui qui aime tant ses parents, il ne comprend pas comment de telles abominations pourraient arriver. Mais, sachant que les paroles du messager des dieux ne sont pas à prendre à la légère, et ne voulant pas prendre le risque de faire du mal à Polybos malgré lui, il prend la décision de partir loin de sa famille. Il s’exile de Corinthe et commence une vie d’errance, de villes en villes, de royaumes en royaumes. Un jour, en 1358 av JC, Œdipe croise un homme, sans doute un notable à en croire ses vêtements luxueux. À côté de lui, une personne qui semble être à son service. L’homme prend le vagabond de haut, et lui ordonne de s’écarter de son chemin. Devant le refus d’Œdipe, il s’approche, l’air menaçant, et lui porte un coup de bâton. Pris de colère, Œdipe tue les deux hommes et continue son chemin, laissant deux cadavres le long du chemin… Il ne le sait pas encore, mais il vient bien malgré lui d’accomplir la première partie de la prophétie. Car l’homme qu’il vient de tuer n’est autre que Laïos, le roi de Thèbes, son père biologique!
Après l’épisode du sphinx dont je vous fais grâce, Thèbes va bientôt subir une nouvelle épreuve: cette fois, c’est une terrible épidémie de peste qui s’abat sur la ville. Alors que les cadavres s’accumulent, on va de nouveau interroger l’oracle de Delphes pour trouver une solution. Celui-ci est formel: l’épidémie ne s’arrêtera que lorsque le meurtrier du roi Laïos sera démasqué. Le cadavre du roi Laïos a été découvert le long d’un chemin, gisant dans son sang, plusieurs années auparavant. Même Œdipe ignore qu’il est lui-même le meurtrier du roi! Pour son plus grand malheur, Œdipe fait venir à la cour le devin Tirésias. Et la vérité éclate enfin au grand jour: usant de son don de divination, ce dernier lui révèle que c’est lui-même qui a tué Laïos! Œdipe est abasourdi. Il ne veut d’abord pas y croire, mais les souvenirs du double meurtre qu’il a commis lui reviennent et il doit se rendre à l’évidence et accepter cette terrible vérité…
Peu de temps après arrive un messager de Corinthe qui lui annonce que son père Polybos est mort et que le peuple le réclame pour lui succéder sur le trône. Œdipe explique qu’il est déjà roi de Thèbes et que, de toute façon, il préfère se tenir éloigner de Corinthe et de sa mère, de peur que la prophétie ne se réalise. Et l’homme le rassure tout de suite: il n’a pas à s’en faire, tout simplement parce qu’il n’est pas le vrai fils de Polybos et de Mérope. C’est lui-même qui l’a récupéré des mains d’un berger nommé Phorbas, alors qu’il n’était encore qu’un nourrisson! Œdipe fait venir le berger, qui ne tarde pas à confesser toute l’histoire. Et ainsi éclate l’effroyable vérité… Œdipe est bien le fils de Jocaste et de Laïos, il a tué son père sur le bord de la route quelques années auparavant et il partage sa couche avec sa propre mère!
La vérité est trop horrible. Jocaste s’enfuit dans ses appartements. Désespérée, elle se donne la mort en s’enfonçant un glaive dans le flanc. Œdipe, quant à lui, ne veut plus regarder le monde: il se crève les deux yeux. Ses enfants se détournent de lui, à l’exception d’Antigone qui lui restera fidèle jusqu’à sa mort. Il quitte la ville avec elle et, tous deux, marchent jusqu’en Attique comme des vagabonds… Œdipe mourra peu de temps après, au milieu des bois, dans l’anonymat le plus complet.
Bien des siècles plus tard, à la lecture de cette histoire ou de cette légende, comme chacun voudra, S. Freud prend appui sur celle-ci pour étayer sa théorie qu’il appellera le « complexe d’Œdipe » et il se servira de l’histoire d’Œdipe pour élargir sa réflexion sur le désir inconscient de l’enfant entre 3 et 6 ans (environ) d’entretenir un rapprochement avec le parent du sexe opposé et celui d’éliminer le parent rival du même sexe. Entendons nous bien, il s’agit de symbolique et le sujet n’est pas à prendre au pied de la lettre. Freud évoquera alors, la loi universelle qui régit notre organisation sociale, c'est-à-dire le tabou de l’inceste. " La solution du complexe d'Œdipe passe par l'accès au renoncement œdipien" (Green Le complexe de castration P. 149) : c’est en renonçant à son désir inconscient qui provoquera la complexité de la situation, que l’enfant dépassera son complexe d’Œdipe et c’est au sortir de cette phase importante du développement psychosexuel qu’il formera son surmoi où siègeront la moral, les valeurs, les interdits.