La capacité d’être seule soulève des questions à l’heure actuelle. Il ne s’agit pas de la solitude mais plutôt de la capacité d’être seul avec l’autre ou au milieu des autres. Elle se confronte à un monde en perte d’individuation, d’individualité et d’individualisme qui au lieu de conduire vers une bienveillance altruiste conduit au contraire vers un repli, un retrait narcissique qui envisage l’agression ou l’attaque de l’extérieur comme le souligne Winnicott dans son livre « la capacité d’être seul ». Aujourd’hui de nombreuses formes d’anxiété voient le jour et le point commun apparaît comme être la difficulté de la capacité à être seul. Mais au fait de quoi s’agit-il ? Pour Winnicott, c’est l’une des plus importantes capacités du développement psychoaffectif. Dans nos cabinets nous rencontrons de nombreux sujets anxieux dont les difficultés existentielles réclament pour un temps un endroit privilégié dans lequel la relation anaclitique (Freud, pour introduire le narcissisme) peut s’élaborer entre le sujet et le psy pour construire la relation transférentielle qui conduira à cette capacité d’être seul et quitter le cabinet tout en sachant qu’il existe et qu’il permet un retour. Le seul fait de le savoir offre au sujet une sécurité que Winnicott évoque lorsqu’il écrit à propos du bon objet intériorisé. Je rapproche cette pensée de celle de Green avec « le concept de la mère morte » et plus particulièrement le cadre hallucinatoire positif qui permet la rassurance de l’enfant en l’absence de la mère. Il s’agirait ici du bon objet intériorisé. Mais de quoi est-il fait ce bon objet ? Alors prudence il n’y a pas de bon objet mais plutôt d’un objet suffisamment bon. Mais oui « The mother good enough » Il n’ y a pas de mère parfaite tout comme de père parfait d’ailleurs. Je vous rappelle à ce propos que le parfait n’existe pas car il se détruit de lui-même dès qu’il apparait. À propos de l’intégration du bon objet Winnicott écrit « La capacité d’être seul repose sur l’existence, dans la réalité psychique de l’individu, du bon objet. » Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec les séances thérapeutiques chez le psy. Oui en effet C’est lors des séances que le sujet-patient rencontre son objet intériorisé. Je repense à la mélancolie et à l’ombre de l’objet, intériorisée… Le cadre hallucination négatif du mélancolique nous appelle à nous rapprocher de Green. Pour Winnicott «la maturité et la capacité d’être seul impliquent que l’individu a eu la chance, grâce à des soins maternels « suffisamment bons » (good enough) d’édifier sa confiance en un environnement favorable. Il y est parvenu par la répétition des gratifications instinctuelles satisfaisantes. » (Winnicott, la capacité d’être seul) Je reviens sur un passage qu’écrit Winnicott qui m’appelle à penser au processus de sublimation sans qu’il le nomme. Winnicott écrit qu’elle est la capacité de la relation au moi et a contrario qu’il s’agirait d’une relation pulsionnelle. Entendons là, une dominance pulsionnelle non réglé, non apaisé, désintriqué, clivé entre d’un côté des pulsions de vie et de l’autre des pulsions morbides, de destruction, d’annulation de soi. Il écrit que dans son excès « l’absence de relation pulsionnelle peut être source d’angoisse » que je traduirai par l’absence d’intrication des pulsions est source d’angoisse ou d’anxiété ou pire encore de dépression simple ou majeure voir pire. La réintrication des pulsions me fait penser au processus du mécanisme de sublimation. En effet avant la sublimation il y a retrait sur soi. Ce retrait est dû à la désintrication des pulsions avec par hypothèse le retournement sur soi. Il y a un temps de réintégration du bon objet, car l’idée est de faire ressurgir le bon de l’objet et de reformer un cadre hallucinatoire positif pour se projeter vers l’extérieur. L’idée de l’anxiété est bien là : recréer le bon objet intériorisé inconscient qui est préconsciemment affiché comme le mauvais objet. Au sujet de l’identification que sous-tend la sublimation, à mon avis, il apparaît qu’il y a deux processus de sublimation qu’il est intéressant de concevoir comme d’abord un processus infantile puis le second comme processus génital par lequel peut se recréer « la relation au moi »..
Alain Giraud