Fiche de lecture "NATURE ET FONCTION DU COMPORTEMENT D’ATTACHEMENT (chapitre 12)" - John Bowlby « ATTACHEMENT ET PERTE » - éditions puf 5ème edition 2002- 1er edt. 1978
Dans ce chapitre J. Bowlby s’intéresse à la théorie de la tendance secondaire selon laquelle « aimer être avec d’autres membres de son espèce résulte du fait que l’individu est nourri par eux » théorie dite également par Freud en 1926 « Si un nourrisson manifeste un désir si vif de percevoir la mère, ce n’est que parce qu’il sait par expérience qu’elle satisfait tous ses besoins sans délais ». En d’autres termes J. Bowlby poursuivant sa théorie de l’attachement pose son hypothèse que celui-ci ne dépend pas de la nourriture mais plus des interactions sociales et affectives avec les différentes figures référentes et concernant les besoins physiologiques.
J. Bowlby commence par se référer à l’étude animale qui le conduit à identifier que toutes les expériences ont montré que le « réconfort du contact » amenait un comportement d’attachement alors que la nourriture ne le faisait pas » (P291)
Poursuivant son étude sur la théorie de la tendance secondaire, il étudie l’enfant humain et distingue que les réactions de l’enfant aux stimulus sociaux sont favorables lorsqu’il s’agrippe, lorsque les interactions sociales calment l’enfant, lorsqu’il manifeste des satisfactions par le sourire ou qu’il babille aux manifestations d’attention de l’adulte à son égard, lorsque l’enfant montre sa satisfaction aux contacts d’autres enfants de son âge. Il rajoute, de l’étude de 1964 faite par Emerson et Schaffer à partir de 60 enfants observés, « Il semble que les attachements peuvent se développer même lorsque les individus auxquels ils s’adressent n’ont été associés d’aucune façon à des satisfactions physiques. » (P295)
J. Bowlby concerne le point de vue psychanalytique des régressions orales qui déterminent, dit-il, « des symptômes franchement oraux dans toutes les sortes d’affections névrotiques ou psychotiques » (P296). Il aborde la régression en juxtaposant celle de la nourriture mais indépendamment de sa conception de l’attachement comme venant combler l’absence d’une personne, comme une activité de déplacement qui répond à cette frustration, également dans des situations de conflit ou l’activité orale viendrait compenser. Prenant l’exemple concret de l’enfant il dit que l’activité de succion du pouce par l’enfant répond à la frustration. Bowlby sous-entend que la régression peut intervenir dans le cas de frustration et provoquerait une activité compensatoire substitutive de l’attachement à la figure absente.
Page 302, J. Bowlby va s’intéresser de plus près aux stimuli sociaux qui interagissent et suscitent l’intérêt de l’enfant en identifiant les points suivants :
• L’éventail large des stimuli au départ se réduit au bout de quelques mois
• Il existe une distinction entre certains stimuli au détriment d’autres
• L’attachement à une personne dépend de l’intensité de son interaction avec lui
• L’apprentissage chez l’enfant dépend de son écoute de son regard fixant
• Le comportement d’attachement se développe au cours de la première année
• À partir de 6-8 mois l’enfant développe des réactions de crainte et de frayeur et son choix vers les personnes étrangères est plus distinctif
• L’attachement à une figure ne subit pas d’altération malgré la séparation
Concernant la fonction du comportement d’attachement chez l’enfant à la mère, il nous rapporte que celle-ci dépendra d’un développement hormonal et de l’environnement qui produira un nombre important d’excitations et où la figure d’attachement aura un rôle sécuritaire par laquelle l’enfant apprendra les éléments de survie. De ce fait on comprend que la fonction d’attachement protège l’équilibre psychique de l’enfant d’un débordement possible d’excitation. Il précise que la nourriture a cette fonction d’apaisement du débordement des excitations. John Bowlby marque la différence entre l’attachement et dépendance en signalant son caractère fonctionnel alors que l’attachement se réfère à une forme de comportement et est purement descriptif. Il note qu’il existe une réelle relation de dépendance à la naissance qui s’estompe au fil des mois pour se transformer en attachement, tout en soulignant que l’attachement, selon lui, n’est pas existant à la naissance, on peut le comprendre. Il soutient son propos en rappelant que Freud et sa fille Anna ont eux-mêmes fait la distinction en employant le terme d’attachement pour le distinguer de la dépendance.
Puisqu’il existe un lien entre dépendance et sexualité John Bowlby s’interroge sur ce qui pourrait exister entre le comportement d’attachement et la sexualité. Le lien d’attachement et la sexualité prennent appui dans l’enfance de l’individu sous des formes évolutives jusque l’âge adulte. Il dit à ce propos « dans la théorie psychanalytique traditionnelle, l’existence d’un tel lien est expliquée sur la base que ces deux formes de comportement, le comportement infantile et le comportement adulte, sont simplement les expressions différentes d’une seule force libidinale. » (P312) Il nous explique la forme évolutive de l’attachement qui se caractérise par le lien affectif et qui est déterminée par Harlow et Harlow (1965) en cinq systèmes que voici et qui apparaissent très intéressants dans le travail analytique puisqu’il font partie sans aucun doute de l’analyse : Le 1er est « le système d’affectivité enfant-mère », le second est « le système d’affectivité mère-enfant », le troisième est « le système d’affectif du nourrisson – nourrisson » (entre ses pairs), le 4e est « le système d’affectif sexuel et hétérosexuel », le 5e étant « le système affectif paternel ». En retraçant le cours d’une thérapie, et en juxtaposant système et relation, je remarque que l’analyste suit ces traces comme « des empreintes » de l’analysant. Il est à remarquer le caractère évolutif et symbolique de la sexualité infantile qui est traduit par l’affection de l’enfant et le caractère sexuel qui se traduit à l’adolescence et marque la maturation de l’individu.
En conclusion sur ce chapitre et sur ce dernier sujet John Bowlby témoigne que le lien entre attachement et sexualité reste à approfondir. Il dit « Il est clair qu’il nous faudra un grand effort de recherche pour démêler toutes ces imbrications et les influences d’une classe de comportement sur une autre. » (P316)
Alain Giraud