auteur : Alain GIRAUD ©2023
Oui, vous pouvez vous défaire de la phobie par la thérapie Pour essayer de se protéger de la phobie la stratégie d'évitement, les conduites contra-phobique ou l'utilisation d'un objet contrat phobique nécessitent une dépense psychique importante pour lutter contre l'angoisse qui pointe dans les circonstances phobogènes. Le risque est que la phobie s'amplifie, s'entretienne d'elle-même, et que cela ne fasse qu'augmenter le symptôme, cest à dire la partie immergée de l'iceberg. Paul Denis(2011) écrit que « C'est sur l'organisation psychopathologique qui sous-tend le symptôme phobique manifeste que portera le traitement, et non électivement sur le symptôme lui-même. »
Effectivement, traité seulement le symptôme ne fera qu'assainir la partie émergé de l'iceberg sans pour autant traiter la partie immergée c'est-à-dire ce qui est caché sous le symptôme, l'aspect conflictuel intrapsychique du sujet en proie à des conflits émotionnels enfouis dans l'inconscient.
Fréquemment la première demande du patient victime de phobie est de comprendre, d'apporter du sens, puis la seconde est de s'en débarrasser. J.D Nasio écrit en 2016 "L'écoute apporte le sens et le sens soigne le symptôme". Cela veut dire que si ce qui est irrationnel devient rempli de sens alors il peut être classé parmi les faits connus, il eut être compris par le sujet et n'a plus besoin de s'exprimer par le symptôme.
Il m'est souvent arrivé de dire que le problème de la phobie se trouve ailleurs que dans son apparence mais plutôt dans ce qui la symbolise. À ce propos Paul Denis (2011) écrit « Si la compréhension du sens de ce qui se passe pour eux est importante, l'essentiel reste la compréhension affective, la possibilité de retrouver les sentiments et les souvenirs que l'investissement du système phobique avait fait passer à l'arrière-plan. ». Nous sommes bien ici sur le conflit émotionnel qui est la source de toute angoisse et symptôme qui traduit ce conflit.
En thérapie, il est important de trouver le lien entre la phobie et l'histoire de vie du sujet. Les angoisses sont souvent liées à la perte, la séparation, l'abandon, l'intrusion, au détachement, à l'étouffement. Pour paraphraser J. Bowlby (2002) à propos de « la théorie de l'attachement », un sujet ne peut se séparer d'un endroit qui si sa représentation est sécure pour lui-même pour être certain de pouvoir y retourner en toute sureté.
L'idée est de mettre au grand jour ce qui relie symboliquement l'objet de la phobie à l'angoisse de la perte, de la séparation, de l'intrusion, de l'abandon, ou autre. L'idée de la psychothérapie est de comprendre l'émotion, le traumatisme affectif, pour identifier la raison de la peur, de la situation ou de l'objet phobogène. Il s'agit de comprendre la symbolique qui fait le lien entre le sujet et ce que lui-même appelle sa phobie, son empêchement.
Si le conflit interne qui persiste chez le sujet phobique est dévoilé par le sujet lui-même pour ensuite être réfléchi, verbalisé, alors la motion pulsionnelle qui résiste et produit l'angoisse et le symptôme phobique sera libérée de son enfermement, de son refoulement, et pourra être reconnue par le sujet lui-même et replacée à sa juste valeur : si la conscientisation de l'origine de l'angoisse est dévoilée alors la peur irrationnelle n'a plus d'attache pour exister et la phobie tend à disparaître.
Le traitement de la phobie ne s'arrête pas à la seule compréhension cognitive et émotionnelle de ce qui crée le symptôme. Il est nécessaire de consolider le traitement par une méthode intégrative qui nécessite des exercices pratiques que le sujet fera lui-même entre les séances auxquelles il participera assidûment. Les expériences seront rapportées en séances pour examiner les ressentis et explorer les émotions enfouies. La méthode comportementale (TCC) associée et intégrée à la méthode des Psychothérapie Analytique en collaboration avec le patient est l'une de celles qui présente des résultats durables.
Une patiente Patricia, 50 ans, célibataire et professionnellement reconnue dans son corps de métier artistique, décrivait un jour sa panique inexplicable de prendre l'autoroute depuis une vingtaine d'années. Sa seule solution était d'emprunter les routes départementales qui rallongeaient considérablement son temps de conduite et elle en était épuisée. Comment faire dit-elle, pour sortir de ma phobie ? Dans cet exemple, il a fallu tout d'abord définir la symbolique de l'autoroute, en l'occurrence la vitesse, la séparation, le voyage, le départ, quitter ce qui est important. Ensuite, relier cette symbolique à l'émotion négative c'est-à-dire à la peur, l'angoisse, et puis définir ce que contenait l'angoisse de Patricia. Également, il a fallu remonter à 20 ans en arrière au départ de la phobie, au fait symbolique qui était relié à la symbolique de l'autoroute. Puis, il a fallu comprendre la peur panique de la séparation qu'elle refusait d'avec un être cher encore plus tôt durant son enfance pour accepter sa représentation archaïque restée inscrite dans son inconscient d'adulte et qu'elle déplaçait sur une situation phobogène. Elle comprenait que les voies qui rallongeaient sa route étaient symboliquement le temps plus long de sa séparation. Cette personne a su raccorder son refus de quitter son illusion de toute puissance de rattachement à l'être aimé pour enfin se détacher sereinement et reprendre sa route sans avoir peur que l'autoroute la divise, la morcelle, l'éloigne définitivement de ce qui lui tenait le plus à cœur et qui finalement répondait à son manque, à ses failles narcissiques, qui faisaient partie de ce qu'elle était aujourd'hui. Sa conscientisation lui a permis de se rapprocher d'elle – même, de ne plus être angoissée par rapport à la séparation, donc à ses rencontres. Les exercices pratiques ( TCC) qu'elle a faits ont permis de rapporter ses ressentis. Progressivement elle a rallongé ses trajets. Puis un jour, après de nombreuses séances progressives, elle a dit : « ça y est j'ai fait 150 km sur l'autoroute, je suis fière de moi. "
La phobie est unique au sujet. Elle est en rapport à son histoire de vie. Par conséquent si la phobie possède une définition générale dans l'apparence de sa partie émergée autant le sens qu'elle renferme dans sa partie immergée appartient à l'histoire de vie du sujet qui doit être pris en considération dans son traitement. S. Freud 1915-1917 écrit « Toutes les fois que nous nous trouvons en face d'un symptôme, il existe un processus inconscient qui contient le sens du symptôme. Il faut que ce sens soit inconscient pour que le symptôme se produise. Dès que le processus inconscient devient conscient le symptôme disparaît. »
C'est par un travail collaboratif entre le sujet et le thérapeute, un examen minutieux et pas à pas de ce qui se cache dans sa partie immergée émotionnellement que la peur irrationnelle de la phobie peut être éradiquée. Sans omettre bien naturellement que l'intégration d'expériences pratiques et les retours sur celles-ci permettent de consolider la guérison.
. Paul Denis2011 . J.D Nasio 2016 . J. Bowlby 2002 . S. Freud 1915-1917