Fiche de lecture " L’AMOUR, LA CULPABILITE ET LE BESOIN DE REPARATION – " - Mélanie Klein - Edt PBP
Dans la préface il est écrit que lors de la conférence de 1936 présentée sous le titre « La vie émotionnelle de l’homme et de la femme civilisés », Mélanie Klein présente ses toutes nouvelles théories, élaborées deux ans auparavant.
M. KLEIN resitue la vie affective de l’enfant et de l’interaction avec la mère qui représente pour le nourrisson l’objet aimé et l’objet haï. Objet aimé qui soulage la douleur interne par le lait et premier plaisir sexuel de la succion au sein. A l’inverse, lorsque la satisfaction ne vient pas calmer la douleur alors le bon objet plaisir et sécure devient le mauvais objet absent, insécure, et le nourrisson développe sa haine et son agressivité. M. KLEIN nous dit que dans la vie adulte toute rencontre avec la sécurité déclenche l’idée d’aimer l’objet qui sécurise tant chez la femme que chez l’homme.
L ’absence du sein conduit le nourrisson à l’élaboration d’images bonnes qui représentent le sein bon, c’est ainsi que le « bébé imagine la satisfaction qui lui manque ». Il faut comprendre que les phantasmes sont clivés en bon et mauvais et s’élaborent par la présence ou l’absence du sein. Le bébé fait sa propre cuisine interne de ce qu’il ressent entre amour et agressivité morbide. L’auteur souligne que le bébé ne différencie pas la réalité du phantasme et que ce qu’il phantasme est réellement arrivé pour lui. De ce fait, Mélanie Klein dit que si destruction du sein il y a alors le bébé fantasme qu’il répare le sein. Je peux aussi comprendre que s’il répare le sein c’est aussi parce que le mauvais objet sein lui est aussi nécessaire que le bon objet.
De ce fait, la réparation entraine le besoin de l’objet auquel le nourrisson est dépendant : comment est-il acceptable de détruire ce qui est aimé ? M. Klein parle de culpabilité inconsciente qui prendra deux directions : l’une vers l’objet aimé et de sa nécessaire réparation, l’autre vers soi c’est-à-dire la capacité à être aimé de l’autre en termes de valeurs qui sont attribué à soi et pour lesquelles il existe le mérite d’être aimé. « Ce sentiment provient de la peur inconsciente d’être incapable d’aimer suffisamment ou vraiment les autres et, en particulier, de leurs incapacités de maîtriser leurs pulsions agressives à l’égard des autres : elles ont peur d’être un danger pour la personne aimée. » (P92)
Elle retrace efficacement les conflits œdipiens et inversés qui assaillent autant la petite fille que le petit garçon. Entre haine, amour, vengeance, rivalité, satisfactions et insatisfactions, elle retrace les affres de ce stade et les fondements des racines de l’homosexualité œdipienne chez les deux sexes. De plus ce cocktail entraine la culpabilité et désir de réparation, c’est aussi ce qui est vécu dans la vie adulte.
Les conflits entre haine et amour sont importants pour le développement de l’enfant car ils signalent l’apparition de la culpabilité qui signe le besoin de réparation de la personne aimée. Ce dernier entrainera l’individu dans une forme de sympathie à l’égard d’autres individus qui conduira au sentiment responsable de comprendre et prendre soin.
M. KLEIN nous dit que la posture bienveillante conduit à la nécessaire identification à l’autre tout en faisant abstraction de soi pour prendre soin de l’être aimé. Ainsi cela révèle la bienveillance parentale. Prendre soin de l’être aimé devient pour elle signe de réparation dans la culpabilité inconsciente : « C’est ainsi qu’en renversant une situation, c’est-à-dire en agissant à l’égard d’une autre personne comme un bon parent, nous recréons en fantasme l’amour et la bonté que nous avons souhaités chez nos parents, et nous en jouissons. » (P99). Il est intéressant de remarquer que la frustration engendrée par les parents et qui a déclaré la vengeance et l’agressivité de l’enfant à leur égard devient culpabilité puisqu’ils sont aimés par celui-ci. Le processus de sublimation devient réparation de ce qui n’a pas pu être évacué. Je reconnais ici le mouvement de la thérapie qui conduit l’analysant à sublimer l’agressivité et la vengeance inconsciente issues de son parcours archaïque et infantile.
M. KLEIN démontre dans ce paragraphe toute l’importance de la satisfaction sexuelle dans le couple. En « prenant d’abord l’exemple d’une relation amoureuse satisfaisante et solide » (P100) M. KLEIN rappelle sa conception œdipienne selon laquelle la petite fille, malgré son désir, ne peut obtenir de bébé de son père. Elle développera son sentiment de haine envers le pénis du père et de jalousie envers la mère qui elle en jouit. De ce fait, puisque le pénis devient destructeur, alors les organes sexuels et la satisfaction sexuelle prennent un caractère dangereux mais ambivalent puisqu’elle désir également les sauver de son agression pour ne pas les détruire. L’ambivalence féminine confère à son propre sexe un caractère destructeur. Continuant son chemin dans la vie adulte, sa satisfaction sexuelle par l’homme avec lequel elle s’unit aura un effet réparateur sur son ambivalence et sa culpabilité de vouloir inconsciemment détruire le pénis du père. Le plaisir qu’elle donnera à son mari aura également un effet réparateur sur son sexe qu’elle pense inconsciemment destructeur, en découlera un sentiment de sécurité qui viendra accroître son plaisir.
Pour l’enfant masculin les refus de sa mère ont fait naître « des fantasmes dans lesquels son pénis devenait un instrument susceptible de la faire souffrir. » (P104) et d’autre part la rivalité envers son père ont fait naître « des fantasmes de nature sadique contre lui » (P105). La densité peu intense de cette pulsion destructrice a fait naître le besoin de réparation et de ce fait la culpabilité. Dans le cas de satisfaction sexuelle, il se déroule le même schéma que chez la femme, nous dit M. Klein, le pénis devient un instrument de guérison tant pour lui que pour la femme. L’interaction entre les deux sexes font accroitre les sentiments « de gratitude et de sécurité » et viennent remédier aux phantasmes inconscients infantiles de destructions.
Pour conclure M. Klein nous dit « Mais c’est seulement si l’on a été capable d’établir en fantasmes de telles relations avec les parents, de surmonter en partie la culpabilité liée aux fantasmes, de se détacher peu à peu des parents tout en continuant à les aimer, c’est seulement alors qu’on devient capable de transférer ses désirs sur d’autres personnes qui représentent alors , bien qu’elles ne leur soient pas identiques, les objets désirés du passé. » (P109)
La parenté permet pour la mère, nous rappelle M. Klein, la réparation de son désir infantile d’avoir un enfant du père. Deux directions : l’une pour la propre satisfaction de la mère qui peut provoquer un état de dépendance, l’autre pour prodiguer les soins et réparer de divers façons le passé infantile. Si l’attitude empathique et bienveillante de la mère dépend de son intensité de culpabilité alors une intensité trop forte de culpabilité conduira celle-ci au sacrifice qui engendrera un effet négatif pour l’enfant. Selon M. Klein Il y a dans la parenté l’idée de la réparation et de la reformulation, c’est-à-dire soit sublimer la culpabilité infantile (agressivité et bienveillance envers les parents) soit la recréation de ce qui a été reçu comme bon de la propre mère de la mère et transmis à l’enfant.
Au-delà de la pensée judéo-chrétienne qui marque le dévouement de la mère pour l’enfant jésus, M. Klein souligne que la pérennité du sentiment d’amour et la distance bienveillante de la mère permettent à l’enfant de bien évoluer tout en sachant que son port d’attache reste présent. L’idée d’attachement et non de dépendance est soulignée par M. Klein.
La parenté du père est selon M. Klein d’une part une réparation de la culpabilité infantile ( agression et culpabilité vers les figures parentales) d’autre part une reconnaissance de plaisir transmis à la femme dans le don qu’il lui fait de participer à sa création ; sa partie infantile se rejoue dans le fait qu’il devient un bon père ou idéal de père par rapport à son propre père.
M. Klein souligne l’importance de la résolution entre haine et amour dans l’enfance du parent qui dans le cas inverse conduit à projeter inconsciemment dans la relation parentale les résidus de leur irrésolution, le conflit persistant conduisant à des sentiments de rivalité, d’incapacité d’aimer, ou de dépendance de l’enfant.
Dans le cas de la dépendance générée par la culpabilité si l’attachement à la mère est intensément phantasmé alors les réactions peuvent être caractérisées par la modération de « la capacité d’aimer » par le déni ou la fuite, également le déplacement du sentiment d’amour vers des choses, des objets, ou des êtres non-humains.
Chez les êtres intensément dépendants et parmi les cas de figures possibles, le phantasme de perte de l’être aimé peut conduire à l’utilisation de celui-ci pour faire persister l’être aimé et le sentiment de dépendance de sa propre culpabilité à quoi vient s’intriquer la crainte de la dépendance. Également, la satisfaction sexuelle qu’il retire de ses infidélités conduit l’individu (homme) à rendre inconsciemment sa mère heureuse phantasmée « car ce n’est qu’une partie de sa sexualité qui est considérée comme dangereuse » (P122). A l’inverse, l’infidélité peut être dû au désir de protéger l’autre membre du couple de ne pas l’atteindre par la sexualité estimée inconsciemment dangereuse.
L’attirance sexuelle et amoureuse est fréquemment influencée par les résidus phantasmés de l’attachement à la figure maternelle et auront pour fonction de faire perdurer l’attachement soit par des traits communs, soit par formation réactionnelle à la figure maternelle.
La figure maternelle et l’interaction éducative accompagnent le bébé dans son évolution vers son indépendance. Le processus du sevrage, de la nourriture maternelle qui représente inconsciemment l’amour, la sécurité et le plaisir, apparait de toute importance et est favorisé par l’évolution psychosexuel de l’enfant guidé par sa curiosité vers son environnement familial et social. A l’inverse si la dépendance perdure elle peut conduire à une intolérance aux frustrations, expression de la haine par désir de retrouver ou ne pas quitter le sein.
M. Klein nous rappelle « que les désirs sexuels sont étroitement liés à des pulsions et à des fantasmes agressifs, ainsi qu’à la culpabilité et à la peur de voir mourir les personnes aimées ; chez l’enfant tout ceci contribue à diminuer son attachement pour ses parents. » (P129) et à déplacer les désirs vers d’autres objets extérieurs. M. Klein nous dit qu’un équilibre de l’attachement aux figures parentales (et non dépendance) permet le transfert du désir amoureux vers d’autres objets.
Ici on ne parle pas de réparation mais bien de poursuite de développement psychosexuel sur un champ permettant à l’enfant de passer de l’environnement intrafamilial à celui du social. Mélanie Klein nous montre toute l’importance de cet exercice dans lequel l’enfant va pouvoir s’exprimer. Cela sera facilité si l’enfant est rassuré par le lien d’attachement au sein de sa cellule familial et plus difficile si l’empreinte d’attachement aux conflits intrafamiliaux est prégnante. Les groupes d’amitié permettent à l’enfant de réguler les sentiments de haine de rivalité et de jalousie ressentie dans une fratrie. Il est important de comprendre que l’environnement familial peut être en capacité d’entendre les sentiments d’amitiés ou d’inimitiés envers les camarades avec plus de facilité qu’en intra. Cela contribue à la formation de l’enfant qui voit accroitre ses capacités de libre arbitre. La sélection dissociative par haine agressivité ou amour s’exerce au travers du choix ou non de se regrouper et de former une forme de nouvelle tribu avec des règles qui s’installent et évoluent entre eux.
Lorsque l’enfant est propulsé dans l’environnement social on assiste à son travail interne de dissociation des pulsions d’amour et de haine issue des relations intrafamiliales et notamment vers les figures maternelle et paternelle. M. Klein nous parle de sentiment d’amour et de haine qui sont revécus à l’adolescence, il y a un corollaire avec l’œdipe qui se fait et on voit resurgir avec plus de force l’expression des pulsions. Un travail d’intrication des pulsions, et non de dissociation, va être effectuer. L’agressivité de l’adolescent envers ses parents appelle à l’expression de sa pulsion d’amour vers d’autres personnes à l’extérieur. Mais, dit-elle « lorsque cependant la haine devient aussi forte, la nécessité de préserver la bonté et l’amour, à l’intérieur et à l’extérieur, devient d’autant plus urgente. » (P135). Il y a ici l’idée de l’instinct de survie, la mise en marche de la pulsion de vie pour échapper à l’envahissement par la pulsion morbide. Elle parle de « sécurité intérieure » : Il existe une recherche d’équilibre des pulsions et qui par leur intrication crée la sollicitude tant vers soi et vers les parents que vers les autres. L’idée de l’idéalisation de personnages médiatiques permet plus facilement l’expression de l’agressivité plutôt que vers ses proches : « Ce clivage entre l’amour et la haine à l’égard des personnes qui ne sont pas proches de nous a aussi pour but de mieux protéger, dans la réalité et en esprit, les personnes aimés. » (P137). L’idée de la capacité d’aimer à l’extérieur de la famille protège inconsciemment l’amour porté aux figures familiales. « En dernière analyse, l’image des parents aimés est préservée dans l’inconscient comme la plus précieuse des possessions car elle protège son possesseur contre la douleur du chagrin absolu. »
Durant l’adolescence celui-ci n’est pas écarté de la puissance de ses motions sexuelles infantiles œdipiennes vers le père et la mère. Il est donc enclin à développer inconsciemment ses attirances vers le même sexe en toute amitié, voire proche de l’adulation, peut-être pour se défaire des résidus œdipiens qui restent en présence.
Cette partie concernant l’amitié entre homme et femme fait remarquer chez l’un comme chez l’autre une référence au père ou à la mère. Respectivement, la résolution du conflit infantile de culpabilité à leur égard apaise le sentiment de haine et d’agressivité envers eux et permet de sublimer la relation amicale entre mêmes sexes, et du même effet de désexualiser la relation amicale. La capacité de donner et de recevoir sans griefs se développe à bon escient. A l’inverse des griefs non résolus à l’égard des figures parentales engendrent des répétitions conflictuelles retraçant l’irrésolution restante.
La culpabilité est issue des sentiments de haine ou agressif envers la personne aimé et l’impossibilité de détruire celle-ci par amour, la culpabilité devient alors la résultante du mécanisme de retournement contre soi que je pourrais exprimer de la façon suivante « je veux détruire mais j’ai peur de le faire parce que sans la mère (le sein) ou le père (le pénis) je ne suis plus en mesure de m’identifier ni à la mère ni au père. C’est seulement si la culpabilité s’amoindrit, les peurs infantiles, les phantasmes morbides disparaissent, que la sublimation, la créativité peut s’exprimer et à l’inverse l’inhibition prend place.
M. Klein met en exergue la sécurité primaire donnée par le sein qui fera écho tout au long de la vie de l’individu :« La sécurité obtenue par la satisfaction de nos besoins essentiels se trouve liée à la sécurité affective et les deux sont d’autant plus nécessaires qu’elles compensent les peurs primitives de perdre la mère bien aimée. » (P150)
M. Klein dit du Soi : « C’est l’ensemble des choses, bonnes ou mauvaises, que nous avons connues depuis nos premiers jours : tout ce que nous avons reçu du monde extérieur, tout ce que nous avons ressenti dans notre monde intérieur, expériences heureuses et malheureuses, relations avec les autres, activités, intérêts et pensées de toute nature, c’est-à-dire ce que nous avons vécu. Tout cela fait partie de notre Soi et contribue à construire notre personnalité. » (P154)
Alain Giraud