La culpabilité est un état affectif, une réaction psychique, consécutive à un acte que le sujet tient pour répréhensible de ce qu’il envisagerait de faire ou de ce qu’il a fait. Elle entraînerait un frein considérable quant à l’exécution d’un acte réprouvé par le sujet lui-même. Elle apparaîtrait comme un conflit interne entre deux acteurs au sein du psychique où l’un serait la victime et l’autre celui qui juge la victime. Il s’agit bien d’une situation interne ou le sujet est à la fois l’un et l’autre des acteurs et se traduirait par un discours intérieur visant à se priver soi-même du plaisir anticipé en mettant en jeu ce qui est autorisé et ce qui est interdit. S’il existe des interdits et des désirs interdits non résolus alors on peut admettre que le sujet transporte psychiquement des faits et des actes de son enfance qui restent en suspend, comme un fardeau entraînant le doute de soi et la crainte d’être mis au pilori en cas de transgression de l’interdit.
En psychanalyse la culpabilité témoigne de la présence du Surmoi c’est-à-dire en quelque sorte de l’influence des figures parentales qui autorise l’accès au plaisir dans les limites de la loi universelle, c'est-à-dire de la loi paternelle ou loi sociale. Il s’agit d’une identification à la figure symbolique incarnant l’autorité dont les discours ont été intériorisés par l’enfant et prolongés dans la vie d’adulte. De son conflit avec les désirs du Moi du sujet naissent les culpabilités conscientes ou inconscientes : Freud disait « Le sentiment de culpabilité est la perception qui, dans le moi, correspond à cette critique [du surmoi] »
La culpabilité est un sentiment, un affect qui est ressenti comme un poids qu’il faut libérer par l’acte, la répression de l’acte, ou la justification comme dans l’acte manqué. Dans cette perspective, c’est la relation du surmoi au moi qui est inconsciente et se traduirait par des effets subjectifs d’où toute culpabilité ressentie serait, poussée à son extrême, absente. Il existe donc un soulagement à rendre le sentiment de culpabilité conscient au sujet par sa capacité à rattacher ce sentiment inconscient à une chose réelle et vécue.
On peut considérer qu’il y a une opposition entre désir et interdit du désir : qu’est ce qui force l’individu à s’interdire l’accès à la satisfaction du désir ? Est-ce une façon de se punir en s’interdisant l’accès à son propre désir d’être et de vivre ? Quelle est cette représentation ancrée qui interdit d’être ? Est-ce le désir de rester en lien et dépendant à la figure d’autorité ? Est-ce une façon de justifier sa culpabilité en transgressant ce qui est interdit ? Est-ce une façon de se punir parce qu’on se sent comme un problème au regard des autres ? Est-ce une façon de garantir à sa pulsion destructrice la condamnation et la répréhension qui correspondra au discours de l’autorité ? Est-ce une façon de convenir au désir attendu par l’autre et ainsi de se rendre coupable d’avoir transgressé la loi ? etc.. Pour le thérapeute et l’analysant, il s’agit d’identifier ce qui se cache derrière le sentiment de culpabilité, de découvrir sa source, pour mettre à jour le réel désir, et déconstruire le processus pour une nouvelle élaboration de soi. Alors il existe pour l’analysant une nouvelle perspective qu’Irvin Yalom décrit comme cela « Quel est le sceau de la liberté acquise ? – Ne plus avoir honte de soi-même » (Irvin Yalom – Et Nietzsche a pleuré – Ed. livre de poche – p 185)
Une patiente âgée de 30 ans disait lors d’une consultation qu’elle se sentait dans la culpabilité de gagner de l’argent et qu’elle avait la sensation que cela la freinait dans son évolution professionnelle. Elle souhaitait se débarrasser de cette culpabilité pour se sentir plus épanouis et se réaliser dans sa vie. Il a fallu comprendre ce que pouvait symboliser l’argent pour elle, ce que cela représentait. Freud nous rappelait à ce sujet que l’argent est un moyen d’échange, c'est-à-dire un moyen de donner, d’acheter, et de recevoir et qui compense un effort. Il a fallu comprendre la représentation de l’effort de cette patiente et arriver aux représentations personnelles de l’effort. Son effort était de garder son lien d’enfant dépendant pour ne pas avoir la sensation d’être coupable aux yeux de l’autre de sa propre réussite et envisager ainsi sa propre individuation. De cela elle convenait qu’il lui fallait lâcher prise et envisager son envol sans avoir à perdre le regard aimant de la figure incarnant l’autorité.