Fiche de lecture "Le transfert delirant, l'objet et la reconstruction " - R.Roussillon – Edt PUF - 2002 - 2015
R. Roussillon nous invite à observer le processus analytique dans le cadre aménagé de la séance analytique avec l’état limite.
Le transfert délirant correspond à la folie privée nommée par A. Green dans son article sur l’état limite. Ce qui est présenté en analyse est une somme d’expériences psychiques absente de représentations, non-symbolisées et non subjectivées. La folie privée s’installe dans le transfert et va conduire à « des situations limites ». Elle menace la subjectivité transférentielle de la situation.
L’interprétation dynamique du transfert suppose que ce qui est vécu en séance puisse être traité comme une représentation de ce qui a été vécu autrefois en présence des objets significatif de l’histoire de l’analysant. L’illusion transférentielle actualise la chose psychique dans le présent et devient interpénétrable comme une réédition du passé. Dans le transfert délirant, cette chose se donne à soi-même « sans être subjectivable comme représentation psychique » (45)
Chez le patient limite la confusion s’installe entre l’intérieur et l’extérieure. Le sujet et l’objet sont indifférenciés. Le trouble est tel qu’il traduit une désorganisation topique des instances. L’analyste et son interprétation sont alors mis à rude épreuve puisqu’il risque de détourner la réalité psychique du patient. Le problème, nous dit Roussillon, est de négliger la confusion psychique du patient.
Le problème de la subjectivation chez le patient état limite se pose comme un déroulement de la confusion entre le ça et le moi du sujet, c’est-à-dire à la frontière de sa subjectivation. C’est bien cette confusion qui la limite et donne à la subjectivation son caractère négatif et aliéné proche de l’état psychotique.
Roussillon aborde la représentation de représentation en différenciant la représentation -chose de la représentation, et la représentation-mot de la représentation. En d’autres termes la différenciation entre perception et pensées, dedans et dehors, moi non-moi, ou encore sujet objet comme être subjectif.
C’est G. Bateson qui en 1954 a posé le paradoxe dans le transfert. C’est-à-dire que le patient d’une part vit pleinement ses affects dans la relation transférentielle et en même temps il doit être capable d’entendre les interprétations de ses relations antérieures et historiques avec les objets de l’époque. Il insiste sur le cadre de la séance qui limite et encadre les affects et suppose la capacité contenante de celui-ci qui entraine vers la capacité introspective du sujet aidé par l’analyste.
Concernant les transferts délirants un aménagement du cadre s’impose. Un aménagement entre la soumission aux interprétations et rébellion contre elles. Il s’agit également d’un aménagement des interprétations. Difficile et périlleuse ascension que celle de l’analyste qui va devoir passer par un préalable. L’aménagement du cadre analytique, nous dit Roussillon, est aussi peut-être celui du face à face. La question de R. Roussillon est celle du cadre et de son aménagement dans la situation du transfert délirant de l’état limite qui conduit ce dernier à une posture de soumission ou de rébellion.
L’enjeu du travail analytique est la reconstruction de ce qui a perdu de son sens où n’en n’a pas eu dans la préhistoire du sujet, vu entendu éprouvé, mais pas intégré. Eléments béta en orbite autour des barrières de contact à la recherche de sens. C’est précisément sur leur symbolisation et leur appropriation subjective que le travail analytique va agir. L’hallucination délirante ne révèle pas le désir du sujet mais la répétition d’une situation traumatique primaire. La compulsion répétitive révèle la souffrance du sujet en absence de symbolisation et d’appropriation subjective. Par conséquent elle s’actualise dans le transfert, elle est inconsciente et ne peut être perçue comme une suite de représentations par le sujet. Tout le travail analytique est bien là.
• Tout d’abord, l’interprétation sur l’ici et maintenant permet aux affects et au processus transférentiel de se déployer. Il ne peut pas y avoir de transfert sans affect. Par contre dans le cas où le transfert est délirant alors il est submergé d’affects. Roussillon se réfère aux propositions de Freud dans analyse et construction en 1937. L’analyste doit dégager « le noyau de la vérité historique » par le démenti de l’actualité. Il dément la répétion. Il doit être dans la réalité psychique de l’ici et maintenant « celui qui dément la répétion, l’actualisation du traumatisme ».
• Parallèlement, l’analyste retrace le sens historique du sujet dans ce qu’il engage pour faire apparaitre l’historicité de la situation traumatique qui se réactualise.
• Ensuite, il aide le sujet à différencier ce que d’une part lui appartient et d’autre part appartient à son environnement de l’époque. « Il aide ainsi à la réexternalisassions de ce que la confusion première avait assimilé de l’objet ».
• Puis il aide à l’analyse des premières identifications narcissiques et c’est à ce moment là qu’interviennent les carences narcissiques dans la relation a l’objet si on peut dire défaillant.
• Enfin Lorsque la relation sujet/objet est faite, alors le travail analytique peut se faire sur le désir du patient. Il s’agit d’un travail d’appropriation de ce qui est restée en suspend psychique, non symbolisé, non subjectivé.
Le travail psychanalytique concerne :
• Le processus de transformation psychique
• L’après coup de ce qui a été traumatique
• La manière dont les événements et relations on influé sur le développement et affecté la structure.
« L’objet n’est pas seulement à symboliser dans et par son absence, son absence affective, dans la relation de celle-ci à un autre objet, il est aussi à symboliser dans son mode de présence, dans ce qui déborde celle-ci, ou dans ce qui est trop absent, dans sa présence même. »
Alain Giraud