auteur : Alain GIRAUD ©2023
Cet article est aussi destiné au sujet qui a conscience de sa jalousie et/ou à qui on reproche ce sentiment et qui malgré tous ses efforts de compréhension n'arrive pas s'expliquer les origines de ses agissements pour les contrôler ou les faire disparaitre. Bien entendu beaucoup d'autres choses pourront être dites à ce sujet mais ne peuvent se contenir dans cet article.
Pour un grand nombre d'entre nous le ressentiment de jalousie ne nous est pas inconnu. Nous l'avons côtoyé au moins une fois dans notre vie soit en étant nous-même jaloux, soit en étant victime d'un sujet jaloux. Pour certains d'ailleurs il est permanent et très handicapant. Pour d'autres il est passager. Dans certaines formes, la jalousie amoureuse mène quelques fois à des violences verbales ou physiques. Il est important d'essayer de comprendre les mécanismes psychologiques de sa propre jalousie et trouver son propre chemin de réflexion afin d'endiguer les effets symptomatiques de ce ressentiment. La jalousie est un symptôme. C'est un état qui se manifeste et est provoqué par des failles et carences psychologiques du sujet. Dans cet article je propose de discuter des affects et des mécanismes de défense de la jalousie, du nombre d'acteurs nécessaires pour déclencher ce sentiment, de l'impact de la carence narcissique du sujet, du sentiment de dépendance et de la culpabilité et de l'ambivalence du désir entre haine et amour du sujet jaloux.
Dans le Larousse il est écrit que la jalousie est un « sentiment fondé sur le désir de posséder la personne aimée et sur la crainte de la perdre au profit d'un rival. » Ajoutons à cela l'étymologie du terme qui est jalosie cité dans Chrétien de Troyes: « sentiment d'inquiétude que l'on éprouve à l'égard de la fidélité de la personne aimée ». D'un point de vue psychologique, ce ressenti est identifié dans de nombreuses formes de relation ayant un enjeu affectif. Il se retrouve employé pour qualifier un état émotionnel dans les relations amoureuses bien entendu, mais aussi dans les relations familiales, et amicales. Par conséquent, il peut être dit que toute relation avec un enjeu affectif est propice au ressenti de la jalousie. Cela ne veut pas dire que ce sentiment se retrouve dans toutes ces relations et chez tout le monde. Certaines personnes vont témoigner qu'elles en sont dépourvues, d'autres de temps en temps et selon les situations, d'autres encore qu'elles font l'objet de jalousie entraînant une rivalité, et enfin celles pour qui la jalousie constante est autant un fardeau pour elle que pour la personne qui les accompagne. La jalousie est une souffrance pour celui qui la vit mais aussi pour celui qui en est la victime. Elle est un empêchement à établir une relation de confiance car elle introduit la méfiance. L'envie est différente de la jalousie. En 1957, dans « Envie et gratitude », M. KLEIN écrit que l'envie « est le sentiment de colère qu'éprouve un sujet quand il craint qu'un autre ne possède quelque chose de désirable et n'en jouisse ; l'impulsion envieuse tend à s'emparer de cet objet ou à l'endommager ». En d'autres termes dans l'envie il ne s'agit pas de la peur de perdre un bien qui est déjà en possession du sujet comme dans la jalousie mais de posséder un bien possédé par quelqu'un d'autre.
En 1922, voici ce que S. FREUD a écrit : « Les trois couches ou étapes de la jalousie méritent les noms de jalousie : 1)concurrentielle ou normale ; 2) projetée ; 3) délirante ». L'auteur utilise les termes de « couches ou étapes » pour montrer qu'il existe différents degrés dans la jalousie.
La jalousie normale peut s'exprimer lors d'une séparation amoureuse. Elle s'apaise sur un temps plus ou moins long par l'acceptation de la rupture. FREUD écrit dans ce même article « Sur la jalousie normale il y a peu de choses à dire du point de vue analytique. Il est facile de voir qu'elle se compose essentiellement du deuil, de la douleur causée par l'objet d'amour que l'on croit avoir perdu, et de l'humiliation narcissique, pour autant que ce dernier élément se laisse séparer des autres ; elle comprend encore des sentiments hostiles dirigés contre le rival qui a été préféré, et un apport plus ou moins grand d'autocritique qui veut rendre responsable le moi propre de la perte d'amour. » Dans ce processus de séparation on peut retrouver les émotions telles que la tristesse, colère, et culpabilité. Il semble que tout est une affaire d'intensité et de capacité narcissique, c'est-à-dire d'estime de soi et de confiance en soi. Pour cette jalousie dite normale le temps permet au sujet de guérir et panser ses affections.
Concernant la jalousie projective, S. FREUD écrit toujours dans le même article en 1922 que la « jalousie projetée provient…d'impulsions à l'infidélité qui ont succombé au refoulement. ». Quand il écrit « jalousie projetée » il s'agit d'une projection inconsciente de soi sur l'autre, c'est-à-dire sur la personne avec qui le lien affectif existe. La projection est ce qui est appelé un mécanisme de défense. En d'autres termes le sujet jaloux dit de l'autre ce qu'il ne peut pas tolérer inconsciemment de lui-même. Il faut comprendre que le mécanisme de défense de la projection est inconscient au sujet jaloux. Même si l'agissement du sujet est inconscient, c'est-à-dire involontaire de la part du sujet jaloux, cela ne veut pas dire qu'il n'est pas responsable. Quand S. FREUD écrit « succombé au refoulement », il signale un second mécanisme qui est celui du refoulement de la pensée indésirable. Cette pensée est mise aux oubliettes de l'inconscient psychique de la personne. À noter que le refoulement n'est pas un mensonge puisque le mécanisme est inconscient. Mais ce qui est refoulé resurgit quelque fois. Pour que le surgissement ne soit pas insoutenable pour le sujet celui-ci va l'attribuer à la personne de son choix avec qui il existe un enjeu affectif, c'est ce qu'on appelle une projection. Dans la jalousie projective, il existe un désir refoulé chez le sujet jaloux qui va s'exprimer en termes de reproches vers la personne concernée. Ce reproche qui se fonde sur la jalousie traduit ce que le sujet jaloux se reproche à lui-même, qu'il s'interdit, et qu'il refoule. Le désir refoulé du sujet jaloux se cache au sujet lui-même.
Concernant la jalousie délirante S. FREUD explique qu'il existerait un enjeu affectif entre le sujet jaloux et le sujet rival et que le sujet jaloux invoquerait sa jalousie auprès de l'être aimé pour exprimer indirectement son attirance affective et inconsciente pour le sujet rival. C'est-à-dire d'être aimé, apprécié, par le rival. Mais puisque le mécanisme est inconscient le sujet jaloux ne le sait pas lui-même. En d'autres termes S. FREUD écrit pour décrire le sujet jaloux homme « Je ne l'aime pas, c'est elle qui l'aime ». Cette forme de jalousie est complexe parce qu'elle entre dans les interstices de la psychanalyse et n'offre que trop peu d'intérêt pour cet article dont il s'agit ici.
Par conséquent, pour comprendre les mécanismes psychologiques qui sont en jeu dans la jalousie, l'intérêt de le discussion sera porté sur la jalousie projective. Elle est celle qui se distingue de la jalousie dite normale et qui existe dans bon nombre de relations de couple et amoureuse.
Parmi les affects contenus dans la jalousie on peut identifier le besoin d'exclusivité de la personne aimé. Le besoin d'exclusivité entraîne des mécanismes comme la possession, le contrôle, sur la personne sur qui s'exerce la jalousie par peur de la perdue. Cette peur va induire la méfiance et la suspicion envers la personne investit affectivement qui pourrait se détourner vers une autre personne perçue comme un potentiel rival. Le sentiment de jalousie est quelques fois caché. C'est-à-dire qu'il peut être vécu secrètement par le sujet jaloux en s'empêchant de l'infliger à l'autre pour une raison ou pour une autre mais souvent par culpabilité. Dans ce cas la souffrance est tout aussi importante. Elle est vécue dans le monde intérieur du sujet et entraîne consciemment ou inconsciemment des sentiments de culpabilité, de peur, de trahison, de colère, et bien entendu de honte à l'égard de la société qui prône l'équilibre et le bien-être du sujet avec lui-même et la bienveillance avec les autres.
Il est à noter que dans un cas comme dans l'autre le tiers, c'est-à-dire le rival, est présent. Il existe soit physiquement, c'est-à-dire par sa présence réelle, soit par le fantasme, c'est-à-dire par le fruit de l'imagination du sujet jaloux. Dans les deux cas les intentions du tiers sont très souvent imaginées par le sujet jaloux, même s'il en reste convaincu intuitivement ou par interprétation, ils sont montées en intensité jusqu'à en devenir disproportionnées. Par conséquent, si de toute apparence la jalousie est dirigée vers le sujet aimé, elle se joue à trois acteurs : le sujet jaloux, le sujet aimé, et le sujet rival réel ou fantasmé.
Il s'agit maintenant de comprendre les raisons qui poussent le sujet dans la jalousie au point d'en être débordé. Irvin YALOM, psychanalyste, écrit dans, Et Nietzsche a pleuré, que « la relation de couple idéale n'existe que lorsqu'elle n'est pas nécessaire à la survie des deux personnes liées ». En d'autres termes, l'équilibre de la relation affective dépend de la capacité d'autonomie affective des deux sujets c'est-à-dire à ne pas être dans une dépendance affective qui dans le cas contraire entraînerait des bouleversements émotionnels difficilement dépassable pour l'un ou pour l'autre des sujets. Cela induit le sujet de la confiance en soi et de l'estime de soi ou autrement dit l'équilibre narcissique du sujet.
Le rival est nécessaire au sujet jaloux. Il permet de projeter sur une personne ses propres désirs refoulés dans son inconscient. Jean COURNUT écrit dans, Pourquoi les hommes ont peur des femmes, que « C'est ainsi que, dans son désarroi, le sujet fabrique du même par identification, il fait de l'autre par projection, il invente du tiers pour la jalousie ; il crée du temps en imaginant des histoires roses ou épiques, il construit de l'espace pour que la beauté, le luxe et la volupté calment son désordre (…) ». Par conséquent créer un rival est une nécessité dans le désarroi du sujet et c'est bien sur le désarroi du sujet que va se former la jalousie. Il concerne les besoins insatisfaits du sujet jaloux qui sont de l'ordres des besoins infantiles qui manquent au sujet et restent inscrits dans l'inconscient. Ce désarroi est essentiellement l'exclusivité du regard et la présence du sujet aimé sans lequel le sujet jaloux s'effondre dans de violentes émotions contre l'autre et lui-même. Ici le sujet jaloux découvre ses importantes faiblesses narcissiques en termes d'estime et de confiance en soi.
Dans certains cas la jalousie est la mise en danger de l'estime de soi. La construction narcissique du sujet, c'est-à-dire l'estime et la confiance en soi, est de toute importance. Je vous invite à bien comprendre que moins le sujet a d'estime et de confiance en lui plus il va avoir besoin d'un autre pour le soutenir et plus l'autre va lui permettre d'avoir confiance en lui et plus il aura d'estime de soi. Ce processus reste fragile puisque si ce qui a permis la valorisation du sujet c'est-à-dire le sujet aimé vient à disparaître alors l'estime et la confiance en soi pourrait venir à disparaître. Le sujet jaloux le ressent sans pour autant être en capacité de mettre des mots sur ce processus psychique. C'est bien pour cette raison que le sujet jaloux va développer la peur de perdre le sujet aimé et qu'il va essayer de contrôler et maîtriser le sujet aimé pour ne pas en être séparé. Notons également que l'admiration pour le sujet aimé peut être démesurée au point qu'un autre fantasmé c'est-à-dire un rival pourrait venir à s'en emparer. Il y a bien ici la notion de rivalité fantasmée dont l'enjeu est la personne aimée, mais surtout l'équilibre de l'estime de soi puisque c'est de l'estime de soi et de la confiance en soi que l'indépendance affective va pouvoir s'élaborer en maturité affective pour vivre la relation amoureuse sans jalousie et sans la peur fantasmé d'être destitué de ce que vit le sujet.
Si l'estime de soi et la confiance en soi manquent au sujet jaloux, ce dernier va avoir besoin de ce qu'on pourrait appeler le miroir de lui-même. Il va le trouver dans le regard et la présence de l'autre. Ce regard est de toute importance puisqu'il vient apporter ce qui manque au sujet jaloux pour le rassurer narcissiquement c'est-à-dire pour continuer à construire son estime de soi et la confiance en soi. Dans ce processus, l'autre apparaît comme un auxiliaire qui vient combler la partie manquante du sujet jaloux. Un peu comme la maman qui est l'auxiliaire de son enfant et qui l'accompagne à constituer sa personnalité pour qu'il gagne en autonomie et puisse s'affirmer par sa confiance et l'estime de soi et à son tour créer sa vie. Par conséquent le sujet jaloux a besoin d'un auxiliaire et quand le sujet auxiliaire est rencontré alors la jalousie du sujet s'élabore sur le socle de cette envie.
Ce qui est difficile à vivre pour le sujet victime d'un sujet jaloux c'est qu'il voit son propre désir envahit ou annuler, il ne peut pas exister. L'absence du sujet aimé est vécu par le sujet jaloux comme une séparation, une rupture. Le besoin de rassurance est constant selon l'intensité de la jalousie du sujet. Voici ce qu'écrit René KAËS dans Le complexe fraternel en 2008 tout en citant Lacan « La jalousie est d'un autre ordre que l'envie, elle vise à prendre possession de l'objet du désir de l'autre pour l'en priver, elle relève du registre du manque et elle est symbolisable. Elle est, pour Lacan, l'émergence de la reconnaissance de l'autre, elle consiste en une exclusion structurante. » La jalousie est étayée par un sentiment de peur d'être dépossédé de sa représentation de celle ou celui qu'il aime, doute et indécision s'installent chez le sujet jaloux. Le sujet jaloux a peur d'être dépossédé du désir du sujet qui le complète et qui le structure psychiquement. Par conséquent la jalousie dévoile une relation de dépendance au désir de l'autre à ce dont le sujet se fait de la représentation du sujet aimé et de lui-même. Si le désir du sujet aimé a une si grande importance au point d'avoir peur d'en être dépossédé c'est bien de la représentation de soi et de celle du sujet aimé que dépend le sentiment de jalousie : la peur de se voir destitué de ce qui pourrait venir à manquer. La représentation (inconsciente) étaye la représentation que le sujet empreint de jalousie se fait de lui-même, c'est-à-dire une estime de soi très basse. Par conséquent on pourrait dire que plus la jalousie est de forte intensité et plus l'estime de soi est basse et inversement plus le sentiment de jalousie est de basse intensité et plus l'estime de soi est bien construite.
Au sujet de la culpabilité dans la jalousie certains sujets jaloux ressentent ce sentiment. La culpabilité jaillit comme si la loi venait d'être transgressée. Quelle peut être cette loi inconsciente ? En 1899, FREUD écrit dans " L'interprétation du rêve" la symbolique suivante : « Œdipe qui tue son père et épouse sa mère ne fait qu'accomplir un des désirs de notre enfance. Mais, plus heureux que lui, nous avons pu, depuis lors, dans la mesure où nous ne sommes pas devenus névropathes, détacher de notre mère nos désirs sexuels (affectifs) et oublier notre jalousie à l'égard de notre père. » Il est nécessaire de souligner que la symbolique utilisée par l'auteur n'est faite que pour traduire et illustrer l'affection exclusive que l'enfant en bas âge espère de sa mère. C'est bien le désir de la mère qui est visé par l'enfant. Un désir exclusif qui ne peut pas être réalisé car sinon celui-ci empêcherait l'évolution de l'enfant vers son autonomie. Il pourrait être dit que le sentiment de jalousie ressenti par l'adulte reste l'enfant intérieur à la recherche du désir de la mère exclusivement pour lui. Pour revenir à la loi qui est transgressée dans la jalousie c'est certainement l'idée inconsciente de la peur de perdre l'amour maternel au profit d'un autre c'est-à-dire la compagne ou le compagnon de la mère. Le parallèle avec la jalousie adulte est le suivant : la peur de perdre l'amour de son compagnon ou de sa compagne au profit d'un autre réel ou fantasmé.
Au sujet de l'amour et la haine dans la jalousie, c'est en 1908 que FREUD écrit :" La mauvaise entente entre les deux parents excite la vie affective de l'enfant et lui fait ressentir intensément, à un âge encore très tendre, l'amour, la haine et la jalousie. " Si ce que convoite l'enfant est l'amour exclusif de l'un ou de l'autre alors le désaccord colérique entre deux parents permet à l'enfant d'aimer l'un aux dépens de l'autre et de pouvoir envisager de satisfaire les demandes de la jalousie c'est-à-dire le désir exclusivement tourné vers lui. Également sous une autre de ses formes, Pierre JANET écrit en 1923 que la jalousie « se compose d'accaparement vis-à-vis d'un objet ou d'une personne et d'hostilité vis-à-vis des autres personnes qui seraient capables elles aussi de rechercher et de posséder cet objet aimé. Dans la concurrence inévitable un homme normal s'efforce de triompher en s'élevant au-dessus de son rival. Mais quand un individu se sent faible et qu'il a une peur terrible de l'effort il n'entend pas la concurrence de cette manière, il veut triompher non en s'élevant lui-même mais en abaissant son rival. De là, les manies du dénigrement, de la récrimination, de la méchanceté, toutes les manies, les impulsions, les délires de la haine. ». Plus tard en 1970, Arthur JANOV écrit dans "Le cri primal", que la jalousie peut-être également l'expression d'un déplacement de la colère sur un autre objet comme si ce dernier symbolisait l'objet dont le sujet ne veut pas être dépossédé.
Faisant référence au conflit œdipien, Michèle PERRON-BORELLI rappelle en 2001 que "C'est au cœur du conflit œdipien que se déploient toutes les figures de la jalousie et toutes les modalités de rivalités". Par conséquent, la jalousie est constituée de sentiments dont l'ambivalence va de la colère à l'acceptation, de la haine à l'amour. Se séparer du désir de l'autre pour être dans son propre désir à soi semble être la clef à l'apaisement de la jalousie.
Le sujet jaloux est dans une relation de dépendance au désir de l'autre : il la nourrit jalousement d'amour et de haine. Ce balancement entre acceptation et rejet c'est l'ambivalence pulsionnelle pour le même objet. Laplanche et Pontalis dans Vocabulaire de la psychanalyse, rappelle que cette ambivalence caractérise la jalousie et le deuil. Sur l'ambivalence des sentiments et la difficulté de prendre sa place, Nicole JEAMMET écrit : "L'Œdipe se joue à trois ; et dès que trois personnages sont en scène, toujours l'un des trois est en trop, empêchant de jouir de la tranquille possession du parent aimé. Dans cette situation, le petit garçon va être divisé à l'intérieur de lui-même par des sentiments ambivalents : s'il est amoureux de sa mère, il ne pourra pas ne pas ressentir pour elle, à certains moments, une jalousie haineuse, du fait de la présence du père ; s'il se sent des désirs de tuer alors ce père qui concurrence ses visées amoureuses, il ressentira aussi, à d'autres moments pour celui-ci, des élans d'amour et d'admiration." Certainement que la jalousie est une affaire essentiellement de place vitale dans le regard de l'autre admiré.
Dans la jalousie le regard de l'autre est primordial car il est synonyme de désir pour soi. Lorsqu'il vient à disparaître le miroir du sujet jaloux se noircit de terreur et il s'en défend en déployant ses ailes haineuses à l'encontre du sujet aimé, c'est la projection dont parlait Freud. C'est certainement ce que ressent la sorcière de la belle au bois dormant qui est jalouse de la beauté de la jeune femme en se regardant dans son miroir et déploie sa haine et sa colère d'abord contre elle-même pour la retourner vers l'autre. La traversée du regard sur soi nécessite d'accepter de se regarder sans l'autre pour s'en séparer et aller vers un autre. L'enfant dans son éducation a traversé ses stades du regard de l'autre jusqu'à s'en séparer pour le porter sur un autre en dehors de la famille. Quelques fois chez l'adulte, les empêchements infantiles maintiennent celui-ci à l'intérieur en attente d'un certain regard.
Si pour le jaloux la carence est essentiellement narcissique il est important pour lui de comprendre que le langage a une portée qui vise à re-construire ce qui manque. À ce sujet André GREEN, écrit dans Narcissisme de vie narcissisme de mort que « Le langage est bien ce qui révèle au sujet sa portée narcissique, le bien-dire achoppe sur le manque à dire. » L'entretien avec un thérapeute a cette fonction de regard et de présence que le sujet jaloux peut rencontrer à sa guise pour re-construire avec lui dans le présent ce qui a manqué dans le passé jusqu'à pouvoir s'en détacher puisqu'il est rassuré de pouvoir y revenir en toute sécurité.
. Félix LECOY. Le conte du graal (Perceval) tome II, édition Félix Lecoy, 1984 . Mélanie KLEIN, 1957, Envie et gratitude, édition Gallimard, 1978. . Sigmund FREUD, 1922, L'objet de la jalousie, édition In Press, 2004 . Irvin YALOM, Et Nietzsche a pleuré, édition livre de poche, 2010. . Jean COURNUt, Pourquoi les hommes ont peur des femmes, édition puf, 2001. . René KAËS, Le complexe fraternel », édition Dunod, 2008. . Sigmund FREUD, 1899, L'interprétation du rêve, édition Points, 2013. . Sigmund FREUD 1908-1931, la vie sexuelle, édition Puf, 1969, 2005. . Pierre JANET, 1923, La médecine psychologique, Nouvelle édition 1980. . Arthur JANOV 1970, Le cri primal, édition Flammarion, 2009. . Michèle PERRON-BORELLI, Les fantasmes, édition Puf, 2001. . LAPLANCHE ET PONTALIS, Vocabulaire de la psychanalyse, édition Puf 2014. . Nicole JEAMMET, La haine nécessaire, édition Puf, 1989, . André GREEN, Narcissisme de vie narcissisme de mort, éditons de minuit, 2007.