L’angoisse est un terme qui semble être utilisé pour décrire un état. J. D Nasio dit dans son livre « Hystérie » « l’angoisse c’est le nom que prennent le désir et la jouissance quand ils sont inscrits dans le cadre du fantasme.» Par conséquent et selon J.D Nasio l’angoisse serait une tension psychique provoquée par un désir qui convoite la jouissance de son désir mais qui est opprimé par l’interdit du désir. Il s’agit donc d’un fait interne pulsionnel oppressé par un interdit tout autant interne au sujet. Freud dit « L'angoisse est un état qu'on peut caractériser comme un état d'attente de danger, de préparation au danger, connu ou inconnu » (Sigmund Freud, “ Au-delà du principe de plaisir ” (1920))
Notons que Winnicott se range aux côtés de M.Klein pour décrire que l’enfant dès son plus jeune âge va organiser des phantasmes tout au long de son développement psychosexuel qui visent à réduire l’intensité de ses angoisses successives comme celles de la dissociation, de la persécution, de morcellement, de séparation. En ce sens l’enfant va élaborer des mécanismes de défense inconscients qui lui permettront de réduire l’intensité de ses angoisses. Tout ce mécanisme, la phantasmatisation, est inconscient et se met en place psychiquement. Si le mécanisme de défense inconscient de la phantasmatisation était absent alors l’enfant ne pourrait pas poursuivre son développement dans les conditions attendues. Ainsi on pourrait dire que les mécanismes de défense inconscients participent à la construction de l’individu. Cela conduit à dire que toute angoisse aurait sa source dans le passé archaïque et que l’angoisse ressurgirait dans la vie d’adulte lorsque la vie intrapsychique entre en relation avec cet état et qu’il existe l’impossibilité d’avoir recours à la phantasmatisation, c'est-à-dire l’illusion. Néanmoins la réalité subjective du sujet étant issue de sa propre interprétation qui est elle-même basée sur son vécu, alors l’angoisse devient un fait individuel, intrapsychique qui ferait ressurgir les ressentis archaïques dont le sujet se défendait inconsciemment jadis.
La question qui se pose est que si l’angoisse prend sa source dans le passé archaïque (c'est-à-dire l’enfance) quelle est l’opération qui fera naître l’angoisse dans le passé infantile du sujet ? Tous les psychanalystes et les contemporains s’accordent à reconnaître le principe du narcissisme primaire qui est une forme d’autoérotisme dans laquelle l’enfant va chercher à satisfaire au cours de son développement psychosexuel ses pulsions issues de ses propres zones érogènes sur son propre corps qui vont elles-mêmes se développer au file du temps et mettre en éveil les sens de l’enfant. En d’autres mots si la première zone érogène est la zone buccale alors l’enfant pour satisfaire ses pulsions buccales par le plaisir des sensations de la succion va réclamer le sein pour assouvir son désir et acquérir une forme de jouissance c'est-à-dire le plaisir de ressentir mais aussi le plaisir de satisfaire son propre besoin. Et justement pour compléter mon explication qui mène le sujet vers l’angoisse, l’enfant qui cherche à satisfaire sa pulsion intense s’il ne trouve pas le sein qui pourra satisfaire son besoin alors il mettra en place un mécanisme de défense de l’ordre de la phantasmatisation pour se protéger de l’angoisse d’insatisfaction. Ici c'est celui de la dissociation qui lui permettra de diviser entre bon et mauvais sein et ainsi se protéger psychiquement de ce dernier. Il est bien entendu que cette opération est totalement inconsciente et psychique. Ce mécanisme lui permettra de réduire l’intensité de l’émotion d’insatisfaction qui mettrait l’enfant dans un état où les traces d’oppression abdominale et gastrique se feraient ressentir comme insupportables. J.D nasio nous dit à ce propos "Le phantasme à pour fonction de remplacer une action idéale qui aurait procuré une jouissance inhumaine par une action fantasmée qui abaisse la tension du désir et suscite plaisir, angoisse ou d'autres sentiments encore, parfois pénibles. ( j-d Nasio "l'Oedipe" éd. Pbp 2005, p39). Par l’opération du mécanisme de défense inconscient l’enfant pourra parer à son insatisfaction comme une frustration. Remarquons tous de même qu’à cet âge l’enfant a la sensation que la mère est un prolongement de lui-même et que ce premier fait est l’un des tout premiers qui fait apparaître l’élément extérieur à cette fusion, c'est-à-dire à l’enfant lui-même.
Lorsque Irvin Yallom fait dire à Nietzsche qui s’adresse à Breuer « Nous devons nous concentrer sur le sens. Le symptôme n’est rien d’autre qu’un message, chargé d’annoncer que l’angoisse est en train de monter depuis les tréfonds de l’âme. » (Irvin Yalom – Et Nietzsche a pleuré – Ed. livre de poche – p 373), alors je pose comme hypothèse que l’origine de l’angoisse serait une réminiscence inconsciente d’un fait traumatique qui même s’il a été défendu par l’intervention d’un mécanisme de défense, il reste inscrit dans l’inconscient du sujet et se réveille dès lors que la frustration réveille inconsciemment un fait ou un souvenir refoulé qui ferait allusion à celui-ci. Celui-ci est, nous le comprenons, la pulsion archaïque qui serait interdite à la jouissance qu’il anticiperait. Cette opération est donc bien interne au sujet.
Madame B. disait lors de sa première séance « lorsque je passe à table je suis angoissé. Une oppression monte, me serre l’estomac et la gorge. J’ai une sensation de dégout et de salissures. Si je mange je vais salir mon intérieur. C’est très difficile à vivre. Je n’arrive pas à me maîtriser. Cette angoisse m’envahit. Lorsque je sors de table tout redevient normal. Il est vrai que je garde un fond d’anxiété permanent une forme de peur, de qui-vive lorsque je suis hors de mon environnement proche.»
Madame B. explique qu’elle est soumise à son angoisse. Me référant à P. Schaller Psychanalyste didactique qui dit à ce propos « ce que le sujet ne connais pas lui fait peur et ce qu’il ne maîtrise pas l’angoisse » il peut être dit que Madame B. ne connaissant pas l’origine du fait qui fait monter son angoisse d’une part et elle ne comprend pas pourquoi il lui vient l’idée de salissures. Par conséquent l’idée est de découvrir pour connaître et reconnaître et d’autre part de comprendre pourquoi il y a l’idée de maîtriser le fait au lieu de seulement accepter de ne pas pouvoir maîtriser. Car si ce qui angoisse est provoqué par l’incapacité à maîtriser alors il y a la nécessité d’accepter de ne pas pouvoir maîtriser ce qui est reconnu afin de réduire l’angoisse.