Voilà que le fait traumatique perdure. Faut-il se taire ou en parler. Chaque jour à son lot d’informations traumatiques que nous enregistrons, pansons, refoulons, oublions, lamentons par compassion. Quel est le fait traumatique et quel est son impact ? Freud a dit" la douleur laisse derrière elle des frayages si importants comme si la foudre avait frappé". » Voici alors la théorie du frayage qui creuse et installe ostensiblement les séquelles ouvertes comme des sillons qui orientent le fait qui se veut traumatique dans les entrailles du psychisme au cœur même de ce qui anime l’inconscient. Si le désir inconscient existe alors la haine inconsciente est également existante et le danger est bien la suggestion de l’objet et de son intention qui donneront à ces séquelles une nouvelle destinée. Il y a le fait traumatique qui s’impose à l’individu, il y a ce que l’individu en fait en tant que récepteur, il y a le fait anodin qui est frappant, celui qui est fait intentionnellement pour satisfaire un besoin irritable d’une satisfaction éphémère. Dans tous les cas le fait traumatique détruit...« La guérison d'un symptôme suppose qu'une élaboration a eu lieu, que la vie psychique s'est dégagée de certaines de ses entraves; elle ne signifie pas pour autant la disparition des termes du conflit dont le symptôme à été l'expression. » (Jacques André - Psychanalyse de la vie quotidienne). Madame M. posait la question " qu'allons nous transmettre à nos enfants et comment nous délier de ce qui nous impact inconsciemment, comment prendre soin d'eux? " La réponse qui se fait et se trouve d’elle-même appartient à la réflexion de chacun.
Le fait traumatique est de par sa définition du fait, un agissement, un événement, dont l’individu qu’il soit enfant, adolescent ou adulte, est la victime, sans écarter le monde animal qui est également concerné. A bien y regarder, deux formes d’événement traumatique se distinguent : les événements naturels et les événements humains. Des événements naturels surgissent les catastrophes géologiques qui frappent de plein fouet l’équilibre économique de la personne et viennent bouleverser une représentation subjectivement sécurisante de l’environnement dans laquelle elle s’inscrit. Les événements traumatiques issus de l’humain ont deux orientations l’une consciente et l’autre inconsciente. La différence entre les deux appartient à l’intention délibérée ou pas. Les faits humains se déclinent par les agressions sexuelles, la maltraitance, les agressions entre congénères, la négligence grave à autrui, les violences psychologiques, les attitudes malsaines, les traditions culturelles, la perte d’un proche ayant une valeur signifiante, des accidents graves. Les acteurs peuvent être un membre proche de l’environnement intime, une connaissance, ou encore un étranger. Le fait traumatique impacte l’individu en en faisant la victime ou le témoin. Le traumatisme serait alors un fait ou événement produisant un choque surprenant qui viendrait effracter la construction d’une représentation subjective de la réalité plus ou moins sécurisante et produirait une frayeur qui deviendrait à son terme pétrifiante de stupeur et insoutenable au psychisme. Il y a dans l’événement ou le fait traumatique la nature de l’action où l’impact est soit instantané et se déroule sur un temps très court et soit étalé sur des faits se reproduisant sur un temps plus ou moins long et enfin un fait traumatique qui se répète tout au long de l’éducation, en 1926 Freud dit « L’affect porte la mémoire d'ébranlements traumatiques de la préhistoire du sujet'' . Dans les années 1960, d’éminents chercheurs de la santé mentale arrivaient à cette conclusion que les traumatismes pouvaient également être transmis transgénérationnellement soit par le récit soit par les non-dits. Il a pu être remarqué des symptômes directement liés au fait traumatique.
L’hypothèse serait que ce qui produit le traumatisme serait l’inscription de ce qui est anticipé consciemment ou inconsciemment de la mort ou de la mise en péril de soi ou de ce qui est considéré comme étant soi. Ainsi le traumatisme viendrait activer le besoin de survie inscrit en chacun de nous et donnerait dans ce cas la capacité résiliente comme le dit Boris Cyrulnik « En psychologie, la résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité… les processus qui permettent de reprendre son développement après un coup du sort, nous concernent tous, car ils obligent à penser la vie en termes de devenir, d’évolution. ». Le traumatisme serait donc ce qui serait mis en jeu entre une réalité subjectivement perçue et qui viendrait faire appel à un ressenti émotionnel venant coïncider avec notre environnement interne et pulsionnel issu de l’excitation endogène d’un stimulus provenant de notre besoin de survie. Cela conduit au fait que l’événement traumatique est considéré par chacun comme un signifiant dont le signifié devient unique puisqu’il réfère au vécu individuel. Boris Cyrulnik « Il me semble que, lorsqu’on a été blessé dans sa vie, on est contraint de mettre en place, de tricoter un processus de résilience jusqu’à sa mort. La blessure est enfouie, maîtrisée, transformée, mais elle ne guérit jamais complètement. »
Un traumatisme collectif désigne une expérience de violence hors du commun au cours de laquelle l’intégrité physique et psychique d’un groupe a été menacée. Aujourd’hui nous avons bon nombre d’actions de prise en charge de traumatismes collectifs. C’est bien le fait traumatisant qui est collectif et le vécu traumatisant est un sujet individuel. Le traumatisme collectif est un fait qui concerne un groupe de personnes et apporte une identité au signifiant traumatisant. Le signifié devient la traduction du signifiant qui devient à son tour un nouveau signifié et le signifiant du signifié qui est la mise en péril de soi. Par conséquent le traumatisme est un ensemble de signifiés individuels qui décrivent un signifiant originaire qui est d’une part le fait traumatisant, d’autre part la souffrance psychique, et le besoin de survie ou de vivre, sans oublier le traumatisme qui peut être autant physique que psychique. L’hypothèse serait que le collectif a toute son importance dans l’acte de résilience dans le sens où il donne une reconnaissance incontournable à l’événement traumatisant et répond au besoin d’appartenance sécuritaire qui participe à l’accompagnement psychologique individuel. De cela nous remarquons les actes individuels de participations à des cérémonies à la mémoire de ceux qui ont succombé à l’événement traumatique et donne indirectement à ceux qui survivent dans leur souffrance une appartenance collective. En ce sens le collectif dans l’événement traumatique rassemble et ne peut diviser et donne à chacun le sentiment d’appartenance qui permet de faire le chemin vers une forme de résilience.