Etre c’est exister et vivre ce que le sujet est dans son intégralité, c'est-à-dire en bonne entente avec la conscience de soi et de son environnement, dans l’expression bienveillante de soi dans l’environnement. Paraitre pourrait se dire Pare-être, c'est-à-dire être par quelque chose qui donne l’illusion d’être, d’exister et de vivre. Pour le dire autrement c’est être dans un idéal qui répond à une demande inscrite dans l’inconscient mais qui demande à ce que le sujet soit un autre en réponse à ce qui est en soi.
Si l’être est dans le manque, le pare-être permet au sujet de se protéger de l’être manquant, c'est-à-dire de cette partie qui manque à l’être pour être, en d’autres termes : le manque à être.
Si le manque à être devient une souffrance intolérable au psychisme alors la nécessité du pare excitant c'est-à-dire plus simplement d’une vitre, d’un miroir, d’une posture, permettra au sujet de se protéger par un autre soi pour ne pas provoquer l’excitation de ses failles narcissique c'est-à-dire de l’être souffrant du manque à être en relation avec son environnement. Ainsi le paraître apparait comme une solution à la souffrance du manque qui révèle la souffrance de l’être à la recherche de ce qui pourrait combler son vide, son manque de ce qui a été et qui est une déprivation de ce qui a exister et n’est plus. En ce sens l’inconscient, la sensation ou l’intuition, perçoit le vide de ce qui a été nourrissant dans la prime enfance et qui a disparu laissant le besoin dans son incomplétude. Il existe également le manque de l’être qui a tenté de combler son manque par le nouvel être venu et dans ce cas le manque se forme par la disparition de l’être et de son manque. Par conséquent le manque du sujet est aussi le manque de celui qui lui a permis d’être. La pare-être devient un mécanisme de défense qui permet au moi de résister à l’absence de l’être incomplet ou plus exactement comme nous dit Lacan de celui pour qui nous avons été - sans le savoir- à la place de son manque(1).
Le paraitre pourrait être un mécanisme de défense qui tend à faire disparaître, illusoirement, le manque c'est-à-dire ce vide, ce blanc, tout en sachant que puisque le signifiant blanc existe alors le manque reste présent. En faisant du « Lacanisme », il pourrait être dit que le semblant est le sans-blanc c'est-à-dire l’illusion du sans-vide, c'est-à-dire sans le manque insoutenable au psychisme, sans le manque à exister ou à vivre. Le pare-être devient alors ce qui protège le sujet de son manque, c'est-à-dire le pare-excitation, ce qui protège de l’insoutenable réalité subjective de ne pas exister ou ne pas vivre. Il devient alors la possibilité de sur-exister ou de sur-vivre par quelqu’un d’autre qui est intégré au psychisme du sujet, dans son inconscient. Comment cet autre se construit ? La réponse à cette question conduit à réfléchir sur la nécessité que l’autre Soi qui est celui qui va répondre à la demande de son environnement et qui par réflexivité conduira le sujet à recevoir la satisfaction qui calmera la tension pulsionnelle qui appelle et qui vise à combler son manque. Parlons simplement de manque d’amour et de bienveillance. Mais la satisfaction de la pulsion conduit à ce qui est appelé un prix à payer, c'est-à-dire une incomplétude de la satisfaction qui est envisagée illusoirement par le sujet, donc une frustration petite mais présente. Par conséquent la demande du sujet conduit ce dernier à exister par un paraître qui répond à la demande de l’autre pour que le sujet lui-même puisse obtenir satisfaction, ou réparation. Néanmoins la demande est la représentation subjective, c'est-à-dire une interprétation de ce que le sujet vit de ce qui l’entoure et qui fait par définition référence à son vécu. Ainsi, le paraitre répond à un discours interne qui repose sur une perception subjective de l’environnement perçu subjectivement par le sujet. Par conséquent au même titre que la réalité serait insoutenable au sujet si sa perception était sans pare-excitation alors le paraître ou le pare-être est un second filtre protégeant d’une réalité interne insoutenable au sujet. Ainsi, l’effraction du pare-excitation de l’être, ou du pare-être, conduirait le sujet à se confronter à l’insoutenable de ce qui est son manque pour aller vers le désir de disparaitre de l’insoutenable réalité de son être souffrant.
Si le paraître permet d’être dans l’illusion de l’absence du manque que le sujet cherche à combler indirectement, il devra partir en quête de ce qui peut lui renvoyer la satisfaction de ses pulsions en souffrances qu’il refreinera pour satisfaire l’instance psychique qui le guide sur ce chemin. Le manque se forme et se transforme sur la base de ce qui lui a permis d’exister durant l’évolution psychosexuelle de l’individu.
Le sujet du manque est bien l’absence de la complétude du besoin archaïque, cité en amont, de ce fait le paraitre du sujet va se construire au fur et à mesure de son évolution en s’efforçant de répondre au désir de l’autre dans l’espoir de combler son manque archaïque, c'est-à-dire de l’être qui a été mais qui a disparu. D’une part cela lui permettra de s’adapter à la réalité sociale qu’il perçoit en quête de ce que la réalité lui renvoie et relatif à son manque : cela pourrait être appelé le Moi social adapté. Dans le cas du paraître la souffrance ne s’exprime pas mais est recouverte d’un faux self qui permet au sujet d’être dans un environnement. Si le faux-être, le paraitre, le pare-être, ou encore le faux self, vient couvrir la souffrance du sujet alors la souffrance existe et reste enfermée dans le carcan du paraître, c'est-à-dire que l’individu est confronté à un principe de réalité qui altère son principe de plaisir et plus le principe de plaisir est altéré jusqu’à être amoindri au plus haut point alors le faux être c'est-à-dire l’absence de ce qui fait l’existence et le vivre de l’être, devient le seul moyen de vivre et d’être du sujet. L’homéostasie des principes de réalité et de plaisir est déséquilibrée et le sujet vit un quotidien par procuration qui épuise son énergie psychique à satisfaire son environnement sans répondre à son propre besoin.
Si le paraitre empêche l’expression du manque à être du sujet, l’épuisement de ce dernier sera dans sa quête infinie de ce qui pourra lui permettre d’exprimer son manque dans l’espoir de le combler. Ceci traduit l’insoutenable disposition du manque à être, de la souffrance psychique qui fait le sujet. Le sujet est dans sa souffrance et sa solution est de paraître à l’autre sous un jour qui n’est pas l’expression de son être souffrant mais de celui qui parait adapté au rythme social. Dans ce cas le Moi social adapté supporte le sujet et participe au soutient du Moi du sujet réprimé. La répression de l’expression de ce qui fait le lien entre les pulsions vise à conduire le sujet dans une forme de répression psychique à ne pas être mais à paraitre ou pare-être. Cette forme de répression conduit l’individu à développer son stress psychique et pourrait le conduire, à son point répressif ultime, à la dépression et au désir de disparaitre.
De ce qui vient d’être dit, le paraître est l’expression d’une souffrance réprimée qui demande à s’extérioriser pour être entendue et reconnue dans sa souffrance du manque qui fait sa faille narcissique, sa difficulté à vivre et à percevoir subjectivement une réalité. Le paraître serait un second filtre qui tend à protéger de la souffrance du manque trop importante. La conscientisation du manque conduit à être dans son manque, à le vivre, à accepter ce qui fait l’absence, à pleurer l’absence pour enfin accepter d’être, d’exister et de vivre. Le chemin du deuil devient la mise au jour du paraitre au profit de l’être. Selon Lacan, le vide contient une énergie qui pousse et qui fait sortir le sujet de l’impasse du désir de l’autre par le biais du langage.